Ce n'est pas le Front National qui a gagné les élections, ce sont les abstentionnistes, tous ces électeurs indifférents, démotivés, flemmards ou je-m’en-foutistes. À force de ne croire en rien ou de laisser faire les autres, ils ne gagnent qu'à laisser l'Europe aux mains des financiers et des hommes d'affaires. Ceux-là se moquent bien des rodomontades de l'extrême droite, de leurs discours aux dents serrées et au front bas. Ils ne se rallieront à cette dernière que si leurs intérêts sont en jeu. Grands vampires du CAC 40 et autres places financières, ils n'existent que pour et par le gain d'argent. Sans autre intérêt, sans scrupules, froides machines à calculer qui ne vont qu'à ce qui leur profite.
Il est légitime aujourd'hui de désespérer des politiques. Ce sont de tristes sires sans âme, marionnettes plus vraies que leurs caricatures, engoncés dans les gestes et les discours de la langue de bois, incapables de renoncer aux sirènes médiatiques pour s'astreindre à une vraie réflexion. Exit les politiques certes, mais pas la politique !
Car y renoncer c'est ne plus croire à la société, mais aussi ne plus croire à soi. À l'heure où le gratin des gouvernants occidentaux se réunit pour une parade mémorielle sur les plages de Normandie, il est temps, au-delà du sacrifice des milliers de soldats du débarquement, de se souvenir encore et toujours de ceux qui sont entrés en résistance dès le début de la guerre, qui ont conduit leur action avec résolution, dans le secret et la modestie. Ils avaient, ce que la poésie me donne, un idéal, mot galvaudé qui reste cependant fondamental. Un idéal loin des représentations, des cérémonies et des paroles creuses, juste la certitude utopique d'un possible.
Nous nous tenons au bord de l’aube, au bord de la nuit, nous écoutons les voix sourdes des camarades qui agonisent dans les prisons bâties par des mains d’hommes. Et nous creusons des labyrinthes pour parvenir jusqu’à eux, dénouer les bâillons, déchirer les chaînes.
Nous tendons à travers la ténèbre l’oreille des désespérés.
Le feu s’est refroidi dans nos muscles.
Devenu matière dure, infracassable, il nous maintient debout, irrémédiables dissidents.
In André Laude, Liberté couleur d'homme - © Encre, 1980
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