Les rats aiment le papier, La Fontaine le dirait mieux que moi. Mais quand ils ont figure humaine, qu’ils ne mangent pas le papier, mais copient les œuvres sans vergogne pour leur profit, c’est inqualifiable, c’est intolérable ! On assiste aujourd’hui à un pillage généralisé des œuvres artistiques, pillage que les facilités d’Internet permettent à tout un chacun, en toute bonne inconscience.
C’est pratique encore courante dans le monde de la poésie, particulièrement dans celui de la petite édition. Un ami éditeur me raconte comment il retrouve dans telle revue, par ailleurs de qualité, la reproduction de plusieurs textes d’un auteur qu’il a publié, sans mention ni du titre du recueil ni de l’éditeur. Le naïf peut y voir des textes inédits. Le même ami me dit comment il a dû intervenir pour qu’un de ses auteurs fasse retirer les textes de l’ensemble de son recueil qu’il avait laissé mettre en ligne par trop de générosité.
Je veux bien adoucir mon propos et accorder à ces revuistes, ces blogueurs et autres webmasters qu’il y a de l’amitié dans leur action, de l’enthousiasme pour les écrits qu’ils diffusent ainsi. Mais à l’encontre de cela, et bien que j’ai moi-même parfois écrit à tort que la poésie est un monde sans économie, ils participent ainsi d’un fourre-tout culturel où les œuvres sont copiés, reproduites, sans respect des droits, de leur coût initial et du travail des acteurs de l’édition : éditeurs, imprimeurs, libraires qui investissent du temps, de l’argent, de l’énergie pour chaque ouvrage mis en parution. De telles pratiques conduisent à ce que les œuvres soient dévalorisées économiquement et intellectuellement puisqu’elles ne sont pas ainsi à tout le monde, mais plus à personne.
Certes, de longue date, le microcosme de la poésie est victime des arnaqueurs de tout acabit et en premier lieu de la pratique du compte d’auteur. On sait le mal qu’elle fait, non seulement aux finances de celui qui paie, malade du syndrome « Victor ego », mais également à la poésie dans son ensemble en effaçant d’un trait le filtre nécessaire des revues, des éditeurs honnêtes qui prennent le temps de lire et de conseiller les auteurs pour qu’ils avancent sur le chemin de leur écriture. Qu’on se souvienne de l’action du Calcre, aujourd’hui de l’Oie Plate. Qu’on s’informe de ce qu’entreprend l’Union des Poètes pour établir une Charte qui défende les droits des auteurs et être un partenaire reconnu des instances du livre.
Les poètes ne sont sans doute pas des gens sérieux, mais la poésie est un des vecteurs essentiels de l’expression humaine, une source de notre humanité et, à ce titre, toute atteinte qui lui est faite est une blessure pour l’homme.
On me permettra de citer encore André Laude qui connut le prix à payer pour pouvoir s’exprimer :
si j’écris c’est pour que ma voix d’un bond d’amour
atteigne les visages détruits par la longue peine le sel de la fatigue
c’est pour mieux frapper l’ennemi qui a plusieurs noms.
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