Dans les dunes, une gazelle fuit, apeurée, tandis que des hommes la poursuivent, jouant avec son effroi.
Dans les dunes de nouveau court une petite fille dont le destin a basculé et dont l’avenir est devenu incertain.
Entre ces deux scènes qui, pour la première ouvre le film et, pour la seconde le ferme, c’est toute la souffrance infligée par les islamistes qui est dénoncée.
À l’heure où chaque semaine égrène son lot de méfaits provoqués par l’extrémisme religieux dans le monde, il faut aller voir le Timbuktu de Abderrahmane Sissako.
Le voir pour prendre la mesure de ce qu’est l’emprise sur les corps et les esprits des djihadistes. Interdit le jeu et le football, interdites la joie et la beauté de la musique, interdites les mains nues des femmes.
Le voir pour comprendre ce qu’un tel mode de gouvernement a d’appauvrissant et de régressif pour l’humanité.
Le film de Abderrahmane Sissako relate l’occupation de la grande ville du nord du Mali durant les mois qui précédèrent l’intervention de l’armée française qui les en chassa. C’est un film lumineux où le noir de l’absurde croyant contraste avec les couleurs de la vie. Ce n’est pas un film manichéen. S’il montre la présence des islamistes dans ce qu’elle a de plus extrême et de plus violent : la mort par lapidation d’un couple non marié, la flagellation d’une jeune femme qui a enfreint l’interdiction de chanter, il y oppose la résistance des habitants : celle de cette même jeune femme qui reprend son chant tandis qu’on la fouette, celle des garçons qui jouent au foot – sans ballon ! Il y oppose la parole sage et mesurée du vieil imam qui prêche la paix et le respect de celle qu’on veut marier de force.
C’est jusqu’aux islamistes qui ne sont pas montrés sous un seul jour. Ils se passionnent pour le football et les mérites comparés de Zidane et Messi, ils éprouvent des désirs et des frustrations.
D’aucuns ont voulu voir en ce film du poétique jusqu’à le lui reprocher pour certains. Certes le personnage de Kidane le touareg et sa famille vivent dans un petit Eden, à l’écart de la ville. Mais c’est pour être plus vite rattrapés par la menace qui en émane quand une querelle avec le pêcheur voisin conduit à la mort de ce dernier et à la condamnation de l’homme du désert.
C’est toute une culture, tout un équilibre ancien qui est remis en cause par la présence des extrémistes religieux. Abderrahmane Sissako, en focalisant son propos sur Timbouctou, prend en compte une actualité qui va bien au-delà de ce seul lieu. Il allie la force de la dénonciation sans équivoque de la situation aux subtilités d’un portrait intelligent et nuancé des hommes.
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