J’ai la chance de vivre au bord d’un fleuve. À quelques cent mètres de chez moi coule la Marne et les 20 minutes nécessaires pour me rendre à mon lieu de travail, me laissent le loisir d’une promenade bucolique, à contre-courant d’un fil de l’eau plus ou moins paisible selon les précipitations et les lâchers d’eau en amont. Marche à la rencontre des canards, d’un couple de cygnes et de ses trois oisillons, des joggers et des cyclistes, des pêcheurs immobiles comme sur une photo de Ronis ou de Cartier-Bresson, à l’écoute d’un coq abandonné sur une île et qui claironne son chant en écho du saxophone d’un musicien sous le pont. Mais plus encore peut-être, marche avec moi-même, si près de Paris et déjà loin.
Je pense à ce beau livre de Jean-Paul Kauffmann, Remonter la Marne, quand le journaliste va à la rencontre des autres, quand il est parfois dans un temps suspendu où se mêlent l’histoire et la vie présente de gens simples et solidaires.
Il est bien des endroits de Saint-Maur des Fossés à Chennevières, de Chennevières à Champigny-sur-Marne, de Champigny à Joinville-le-Pont, de Joinville à Nogent-sur-Marne et Bry et Noisy- le-Grand puis Gournay, Champs sur Marne, Noisiel, Vaires-sur-Marne… à énoncer ainsi cette liste, j’en oublie. Mais c’est une longue promenade plus que de nature, un chemin d’apaisement, une marche aux sources de soi-même.
À l’heure où j’écris ces lignes, ailleurs, dans les Balkans, l’eau déborde, envahit et tue gens, bêtes et lieux. Un même élément est ici signe de vie paisible et là-bas porteur de mort, de destruction.
Parfois je ne peux m’empêcher, à vivre si près du fleuve, de penser à la fragilité de ses berges, à l’exposition incertaine des maisons qui le longent. Quelles forces venues de l’atmosphère menacent sourdement la tranquillité des jours ? L’amitié puissante des flots ne peut nous faire oublier la force résurgente de la nature.
Marne
Soleil d’abeilles dans le ciel
et soleils d’ailes tournantes
Glisse l’eau, glisse la main de l’homme
J’aborde aux rives de la mémoire
Secondes calcaires du temps
Profondeur de l’oubli
Mémoire du fleuve
Mémoire du temps
Soleil d’abeilles dans le ciel
et soleils d’ailes tournantes
Un canard colvert s’avance
Un cygne allège son vol
Une île passe son chemin
Quels navigateurs sommes-nous ?
Étoiles sur l’eau
L’éclair de l’œil
Les chemins du saule
Mènent à ton amour
Soleil d’abeilles dans le ciel
et soleils d’ailes tournantes
Bibliographie
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Jean-Paul Kauffmann, Remonter la Marne, © Fayard, 2013
Internet
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