Silence ? Silence ! Quel silence ? Celui nécessaire au ressourcement, à l'intériorisation, celui de l'attention, de la mobilisation de soi. À l'encontre de notre quotidien.
Voici une anecdote parlante. Je vais au cinéma pour voir le film des frères Dardenne, Deux jours, une nuit. Un film au rythme lent, certes, mais pas du tout ennuyeux tant on est mobilisé par la quête du personnage interprété par Marion Cotillard. Trois jeunes femmes, le genre copines étudiantes, s'assoient derrière moi. Passons sur les coups de genoux dans le dos, mais plus dérangeant encore le bavardage incessant jusqu'à la fin du générique de début. Ce même bavardage qui reprend instantanément dès qu'une séquence du film est sans paroles des acteurs. Voilà de jeunes personnes pour qui le silence est insupportable ! L'une d'elles dira aux autres, alors que défile le générique de fin, titres blancs sur fond noir sans aucun accompagnement : "C'est angoissant ce générique sans musique !".
Je vis la même expérience avec mes jeunes élèves lorsque je les emmène au cinéma ou que je leur projette une vidéo à l'école. Ils ne savent pas faire le vide en eux, il leur faut combler le silence comme s'il était inquiétant. cela me ramène à cette suroccupation permanente qu'est la leur. Au pire, et faute de moyens, ils sont abandonnés devant la télé durant des heures, devenant addict d'un continuum médiatique asservissant, au mieux, ils sont conduits par des parents soucieux de remplir leur existence, d'activité en activité sans aucun temps mort.
Mais quid de ces minutes de silence où la pensée se construit, fut-ce par la divagation, à l'écart des bruits imposés, des rires et des musiques incontrôlables, juste dans l'empire fertile du silence silencieux ?
Le silence est l'aboutissement suprême du langage et de la conscience
J.M.G. Le Clezio
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