Une coïncidence heureuse veut que, durant la même semaine, je regarde le portrait consacré à Robert Badinter par Laurent Delahousse et le film documentaire de Florent Vassault, Lindy Lou, jurée n°2. On voudrait que ces deux-là puissent se rencontrer et échanger. L’avocat devenu un sage, toujours convaincu de ses engagements et porteur d’une parole constructive, humaniste. La femme jurée, accablée de doutes et de remords après avoir voté la mort d’un homme, en quête de réponses à ses questions, provoquant le dialogue et la réflexion avec les autres jurés et qui transforme, au bout du chemin, cette quête en un possible combat contre la peine de mort.
La dramaturgie propre à l’émission Un jour un destin est inutile pour présenter un homme comme Robert Badinter. Son histoire personnelle, son itinéraire, ses engagements sont ceux d’une personnalité hors du commun, même s’il a la modestie et l’honnêteté de dire qu’il ne se voit pas ainsi. À l’écart de toute vanité, à l’âge de 90 ans, cet homme continue de travailler à une justice meilleure et plus humaine. Il se fait visiteur de prisonniers après avoir obtenu l’abrogation de la peine de mort en France et en étant toujours convaincu que cette abrogation sera de plus en plus étendue à d’autres pays, d’autres continents. C’est là que son combat rejoint la quête de Lindy Lou.
On peut citer, avant eux, Le dernier jour d’un condamné de Hugo, plus tard Les réflexions sur la guillotine de Camus et son combat abolitionniste, il n’en reste pas moins encore beaucoup de préjugés qui favorisent la peine capitale et de régimes autoritaires pour qui c’est le moyen le plus radical de se débarrasser de ceux qui lui opposent une action et un discours contraires.
La parole d’un Badinter, d’une Lindy Lou, de ceux qui écrivent contre la peine de mort, reste le fondement d’un combat auquel il ne faut jamais renoncer. Ce que la justice qui condamne ainsi, impose à un individu, elle l’impose, fut-ce par le biais d’un jury populaire pour se parer de plus de légitimité, à l’ensemble de la société. On peut se détourner, rester sur un quant à soi accusateur, se culpabiliser sans rien faire pour autant, l’axiome est le même : une justice qui tue c’est une société qui tue. Un être humain qui est pendu, coupé en deux, percé de balles, piqué ou gazé, l’est toujours pour rassurer l’institution judiciaire quant à son autorité, la société quant à des peurs insondables, un pouvoir quant à sa légitimité et sa pérennité, plutôt qu’il ne l’est pour ce dont il est accusé. On sait depuis longtemps que la peine capitale n’a jamais dissuadé d’assassiner. Exécuter un individu au nom de la justice et du souci de protéger la société, c’est reculer devant la seule alternative exigeante, celle de l’éducation, de l’engagement qui consiste à sortir de soi-même pour aller vers l’autre, fut-il l’auteur de méfaits condamnables.
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