Il est de bon ton aujourd’hui de médire des femmes et des hommes politiques et de leur reprocher une incapacité à gouverner, d’être malhonnête et de pratiquer l’art de la combine. Certains, aux extrêmes, en font leur fonds de commerce pour masquer leurs propres incompétences et l’indigence de leurs propositions. On s’attache à quelques mots, une image du jour, à des anecdotes relevant du privé, aux ragots de médias qui en font des gorges chaudes et de substantiels bénéfices. On fait la Une des journaux d’information sur le livre des souvenirs amers d’une ancienne compagne du président quand l’actualité d’importance ne vient qu’après. On met le focus sur la phrase du jour, le couac de la semaine, l’incontournable sondage d’opinion qui fait la côte de l’un ou de l’autre plus qu’il ne révèle la réalité. Les bateleurs de foire de la politique, prompts à s’emparer du premier micro qu’on leur tend, y trouvent leur compte pour se composer un personnage à la popularité sulfureuse, mais parfois dangereuse quand elle draine les relents d’un ordre conservateur, d’un nationalisme chargé d’un racisme opportun, quand elle prône les yaqua et les fautquon d’une révolution irréelle.
Est-ce cela faire de la politique ? En ce domaine comme en bien d’autres, les enjeux de l’économie sont les seuls ressorts de ce qui est proposé, les programmes ne sont que des trompe-l’œil et les acteurs du pouvoir, tous partis confondus, ne sont issus que d’un seul système qui les formate à la mesure de ses intérêts. Le reste n’est que spectacle propre à faire avaler des couleuvres à la population dont les votes servent de vitrine à une démocratie d’apparence.
Cependant, malgré la colère qui anime ces propos, je ne peux m’empêcher de croire à la nécessité d’une gent politique. Je ne peux croire que la démocratie consiste en un capharnaüm de paroles, en des décisions universelles, tout autant que confuses et déréglées. En regard, je rejette d’avance tout pouvoir autocratique, qu’il relève d’un autoritarisme charismatique, version de Gaulle, ou du fascisme larvé de la droite radicale qui prolifère en France et en Europe en jouant de peurs et de réflexes primaires.
La démocratie, cela se conquiert chaque jour, d’abord sur soi-même, cela s’éduque dès la plus petite enfance, cela consiste à ne pas avoir peur de l’autre, des différences, à savoir échanger des points de vue contraires sans vouloir avoir forcément raison, à prendre des risques qui dépassent nos intérêts à court terme.
Ne jetons pas la pierre aux politiques d’aujourd’hui qui sont là parce que nous nous sommes soumis aux diktats insidieux et séducteurs que relaient les médias quand le vrai pouvoir réside dans les officines de la grande finance. Mais comment changer cela si l’on ne s’oppose pas à ce formatage des esprits ? La balle est dans le camp des enseignants, des créateurs, de tous les acteurs de la culture, de tous ceux qui maîtrisent les mots, pour prôner un autre pouvoir, un autre idéal – utopie incluse – et faire balancer notre société dans un nouvel âge qui soit celui de l’humanité.