Pierre Seghers, Poésie la vie entière

Lorsque Pierre Seghers s'éteignit en 1987 sa disparition eut peu d'échos dans la presse. Avec lui c'était une part essentielle de la vie de la poésie contemporaine qui nous quittait. Plusieurs générations de lycéens, d'étudiants ont découvert les grands noms de la poésie dans la collection Poètes d'aujourd'hui qui fut la première collection de poche avant même le livre de poche tel qu'on le connait et les anthologies qu'il aimait faire, vastes panoramas de découvertes telles qu'il en avait fait lui-même dans l'anthologie Kra parue avant guerre. « Ma seule zone de calme, de réflexion, mon puits secret était la poésie. » écrit-il dans le Pierre Seghers par l'auteur, coll. Poètes d'aujourd'hui, éd. Seghers, 1973.

Le musée du Montparnasse lui consacre depuis deux semaines une exposition qui met en exergue la triple personne qu'il fut : le résistant, l'éditeur et le poète. Une première salle offre la découvertes de l'artisan Louis Jou et de son œuvre, Jou qui fut un maître amical et paternel pour Seghers, Jou qui lui donna le premier le goût de l'encre, des caractères, de l'édition en un mot.

C'est ensuite le poète résistant qui est exposé. Mobilisé dès le début de la guerre en 1939, « poète casqué », Pierre Seghers entreprend de créer une revue qui permette à des poètes soldats de publier leurs textes. C'est le début d'une aventure de combat et de résistance qui courra tout au long de ces années noires. C'est le manifeste d'un «Un poète qui se fit éditeur» (idem). Il trouvera vite écho auprès des plus grands, Aragon le premier, participera activement à l'histoire de la littérature sous l'occupation et donnera des lettres de noblesse à l'action des intellectuels et des écrivains. Il en écrira plus tard une histoire de La Résistance et ses poètes, 1940-1945 qui trouvera en 2004 une réédition digne de ce nom grâce aux soins de Bruno Doucey. « Ceux qui se pencheront sur la poésie de la Résistance trouveront ici le rappel d'un temps de misères et de sang, de férocité et de colère, de contestation et d'espoir. Au-delà de mon expérience personnelle, et pour reprendre un titre de Pablo Neruda, j'essayerai de faire entendre le « Chant général » qui fut celui de cette époque, l'écho d'une opposition viscérale, celle du chagrin et de la parole, de la mort vaincue par la volonté de survivre. » C'est grâce au même Bruno Doucey que sont publiés en 2011 les propres poèmes de Seghers écrits durant cette période.

Les deux salles supérieures de l'exposition montrent l'oeuvre de l'éditeur. Dès 1944 paraît le premier volume des Poètes d'aujourd'hui, celui que Louis Parrot consacre à Paul Éluard. S'ensuivront pas loin de 300 titres au-delà de la présence de son fondateur à la tête des éditions Seghers. Il publiera dans cette collection et dans d'autres telles P.S., Autour du monde ou Poésie et chansons, plus de deux mille poètes ne cessant d'œuvrer jusqu'à la fin de son existence pour la poésie qui en était le cœur et l'amitié le moteur. Il sera le fondateur de la Maison de la Poésie de la ville de Paris qu'il animera avec son épouse Colette.

De nombreux documents, livres, correspondances sont la marque de cette exposition qui redonne sa place à un homme d'honneur, un poète lyrique et généreux et à un passeur essentielle de notre époque. « Traversons notre époque […] et écoutons ses voix. Nous allons connaître notre « modernité ». Dans son déséquilibre, mais aussi dans sa diversité, son foisonnement, sa réalité, nous verrons s'avancer qui nous sommes. Haut-parleurs, bas-parleurs de l'avenir, ainsi sont les poètes. Entre l'ordre et le désordre, ils ne choisissent pas. Ils sont. En chacun d'eux brûle un feu. » a écrit Pierre Seghers dans la préface au Livre d'or de la poésie française contemporaine.

Comme une main qui se referme
Comme un refus qui se raidit
Comme un défi aux yeux de fer
Mon cœur

 

Comme un oiseau de paradis
Une tombe en terre lointaine
Ou le dauphin d'une fontaine
Mon cœur

 

Un prisonnier qui se débat
Sans mouvements et marche droit
Ses poings sont devenus de bois
Mon cœur

 in Comme une main qui se referme, Poèmes de la Résistance 1939-1945, éd. Bruno Doucey, 2011, dos de couverture.

 

Infos pratiques

Commissaire d’exposition : Albert Dichy, en étroite collaboration avec Virginie Seghers
Scénographie : Pauline Nuñez
Ouvrage : Pierre Seghers - Poésie, la vie entière de Bruno Doucey, Éditeur : Musée du Montparnasse,
25 euros – 136 pages

Musée du Montparnasse
21 avenue du Maine
75015 Paris
tél. : (+33) 1 42 22 91 96

Horaires d’ouverture : Tous les jours sauf lundi, de 12h30 à 19h  

Tarifs de l’exposition : plein tarif : 6 € - tarif réduit:5 €

 

Bibliographie

• Archives de la vie littéraire sous l'occupation : A travers le désastre de Robert O. Paxton, Olivier Corbet, édition Tallandier, 2009

• Pierre Seghers par l'auteur, coll. Poètes d'aujourd'hui n°164, éd. Seghers 1967,1973
• Comme une main qui se referme - Poèmes de la résistance 1939-1945, de Pierre Seghers, éd. Bruno Doucey, 2011
• La Résistance et ses poètes, 1940-1945 de Pierre Seghers, éd.Seghers, nouvelle édition 2004

Internet

• Pierre Seghers (Wikipedia) 
• Pierre Seghers et la collections Poètes d'aujourd'hui
• Le musée du Montparnasse

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