Après C’est encore l’hiver, Radiographie et Entre gouffre et lumière, Éric Dubois poursuit inlassablement sa quête poétique dans son dernier opus Mais qui lira le dernier poème ? que l’on peut lire sur Publie.net.
La tonalité d’ensemble du recueil est assez grave, mais sans jamais tomber dans un pessimisme de mauvais aloi. Il y a, en effet, beaucoup d’interrogations dans ces poèmes, comme si le poète, en interrogeant notre époque pleine de bruit et de fureur (« le brouhaha du monde », écrit-il), s’interrogeait avant tout sur lui-même, sur le sens profond de sa démarche d’écriture, et sur l’utilité, réelle ou imaginaire, des mots, donc in fine de la poésie. En lisant les différents poèmes, on ne peut que partager une des assertions du poète
Je suis un homme
que ne protège aucune pensée
Le poète est donc nu face aux mots, sans a priori ni certitudes, le corps livré aux flèches que décoche notre monde à la fois si burlesque et tragique qu’il nous fait parfois douter de sa réalité.
Monde à ta portée
n’est qu’illusion
Mais une illusion que le poète porte en soi, malgré tout, comme une flamme qui court dans ses veines, toujours sur le point de s’éteindre au moindre souffle de ténèbres, mais qui ne s’éteint finalement jamais. Par ses mots, même s’il lui arrive de les juger inutiles ou dérisoires, le poète finit par donner à cette illusion un semblant de vie qui le pousse toujours vers l’avant, tête haute et poing brandi vers la lumière. Il n’y a donc aucune amertume, aucun désespoir dans ces poèmes. Seulement une lucidité à la fois charnelle et abstraite sur le réel qui nous entoure, qui nous pressure, et parfois même nous asservit.
Je suis dans un trou du temps
Prisonnier, certes, de ce temps qui fuit et lui échappe, mais le poète s’obstine, par l’écriture, à s’agripper aux parois de ce trou, et à ne pas sombrer corps et âme dans l’abîme. Patiemment, il arrache du néant un mot après l’autre, et assemble ces mots comme les pièces d’un puzzle, car
Il faut une certaine lenteur
pour voir les choses apparaître
En effet, rien n’est donné sans effort, sans bataille contre soi-même, sans la volonté farouche de creuser indéfiniment le langage, même si
Nous ne sommes rien
que la lumière des jours
Mais c’est cette lumière, quelquefois de peu d’éclat, quelquefois au contraire trop aveuglante, qui pousse le poète à écrire, avec une obstination d’insecte fouisseur qui ronge de façon invisible l’écorce des mots et du monde. Il faut donc écrire, toujours écrire, jour après jour, même si
Les pages noircies
m’enveloppent
De leur linceul
d’oubli
Dans les derniers poèmes du recueil, la figure de Dieu apparaît à plusieurs reprises. Mais non pas comme une issue de secours ou une béquille spirituelle qui permettrait au poète de combattre la vacuité de notre monde et de se mettre à l’abri d’on ne sait quels dangers ou menaces, mais comme une force intérieure en marche qui le pousse à être pleinement soi, et comme le vigilant et opiniâtre accompagnateur d’une démarche personnelle qui explore, presque à tâtons, les labyrinthes infinis de l’écriture.
Dieu est l’alphabet du silence
Le poème, pour finir, est un aveu, dit le poète. Un aveu de ce que l’on est, de ce que l’on n’est pas, de ce que l’on voudrait être, de ce que l’on ne sera peut-être jamais, mais en définitive toujours un aveu d’existence qui se dresse à la face du monde et des êtres qui nous entourent. Le poème existe donc, et pas seulement sur la page blanche. Il s’inscrit dans la mémoire du temps. Mais, se demande malgré tout le poète avec une pointe d’anxiété, qui lira le dernier poème ?
Qui ?
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Une contribution de François Teyssandier
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Rédigé par : Eric Dubois | 11 septembre 2023 à 17:13
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Rédigé par : Eric Dubois | 11 septembre 2023 à 17:08