La Pierre et le Sel a pour vocation de fournir des clés à tous ceux qui s’intéressent à la poésie sans en être toujours des spécialistes, et de mettre en valeur des auteurs de talent qui, ayant publié dans la "petite édition", malgré le travail irremplaçable des éditeurs, demandent à être plus lus encore qu'ils ne le sont déjà.
C’est le cas de Silvaine Arabo, née en Charente-Maritime, professeur de lettres puis chef d’établissement, qui a su concilier un important et talentueux travail d’écriture et la promotion de la poésie, à travers plusieurs facettes.
Une des plus plus emblématiques, certainement, est la création en 1997 de son site de poésie sur internet intitulé Poésie d’hier et d’aujourd’hui, qui est une somme remarquable d’informations. Ceux qui souhaitent compléter leurs connaissances poétiques peuvent y glaner, entre autres, des renseignements sur les différents courants de la poésie contemporaine, une description des poètes français fondateurs que sont Nerval, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, une recension d’une soixantaine de poètes français contemporains de talent dont certains sont dans la situation décrite en ce début d’article, ainsi que la présentation de plusieurs poètes amérindiens, péruviens espagnols, ou chinois.
Silvaine Arabo qui est très sensible au sort que l’homme inflige aux animaux, a également créé en 2007, un autre site internet intitulé : Animaux les longs calvaires .
Ainsi qu’elle l’affirme :
« Les animaux sont emblématiques des énergies profondes qui tapissent notre inconscient, individuel ou collectif. A travers les tortures que l'homme leur inflige, les massacres sauvages qu'il perpétue à leur endroit, c'est sa psyché elle-même qu'il assassine. Ne tombons pas toutefois dans l'écueil qui consisterait à n'envisager l'animal que par rapport à l'homme... L'animal est en soi une entité vivante, vibrante, sensible et souffrante, que la simple compassion de "frère aîné" devrait nous conduire à protéger et à respecter. »
Également dans son souci de promouvoir la poésie elle a créé en 2001 une revue d’art et réflexion, intitulée Saraswati1, avec une parution annuelle, sur format A4 et 200 pages. Son dernier numéro paru était consacré à la poésie allemande contemporaine.
Et toujours dans le même esprit, elle a participé à plusieurs émissions de radio, dont deux avec Serge Wellens, dernier poète de l’École de Rochefort, décédé en 2010, deux autres sur France Culture, avec Claude Mourthé, et en septembre 2011 sur les ondes de Radio Occitania, (accessible sur internet, voir en fin d’article) au cours de laquelle elle répond pendant plus d’une heure aux questions de Christian Saint-Paul, avec le souci de ne rien cacher de son parcours poétique.
Au cours de cet échange, elle indique qu’elle a commencé à écrire de la poésie à vingt ans, et publié une premier recueil intitulé Des crépuscules et des colombes. (Éditions J.F.P.F.) . Silvaine Arabo signe en 1974 l'édition d'un recueil Promontoires chez Guy Chambelland - qui était alors fort connu comme poète, éditeur et animateur fondateur de la revue Le Pont de l’Épée - qu'elle rencontre quelques mois plus tard. Une belle amitié naîtra de cette rencontre.
De 1975 à 1991, Silvaine Arabo a connu une traversée du désert, en partie consécutive à la mort de sa mère et au cours de laquelle sa poésie a mûri dans le silence.
Après 1991, la veine poétique a refait surface et les publications se sont enchaînées ( une trentaine environ, à ce jour) grâce à Guy Chambelland, Jean-Pierre Rosnay, l’animateur et éditeur du Club des Poètes, et aux éditions La Bartavelle, Encres Vives et Editinter.
À la question de Christian Saint-Paul qui lui demande où elle se situe dans le courant poétique, elle répond que les différentes strates qui composent sa veine poétique sont :
« - la veine lyrique, celle qui exprime un corps émotionnel, souvent à travers le prisme du mythe (…)
- la veine engagée, à travers laquelle je défends, poétiquement, j’espère, certaines idées comme dans Ballade du Chef Joseph, recueil en 27 chants traduit en espagnol par Porfirio Mamani Macedo, dans lequel j’oppose deux systèmes de valeurs : l’un qui a conduit au monde de la nuit profonde dans lequel nous vivons aujourd’hui (société de l’argent et du profit, nihilisme, exploitation de l’homme par l’homme et tous leurs corollaires : destruction de la planète etc…), l’autre qui repose sur le respect de la terre et de ses créatures, le sens donné aux choses, avec toutes les conséquences positives qui auraient pu en découler pour tous si ce système n’avait pas été écrasé, génocidé lui aussi. Il y a des alternatives au monde infernal qu’on veut nous imposer et nous présenter comme le seul possible ! On retrouve un peu ce problème posé aujourd’hui à travers les civilisations chinoises et tibétaines et leur antagonisme inévitable. 2-
- Une veine plus méditative de poèmes très courts (que l’on pourrait sans trop de rigueur appeler haïkaï car écrits sur le fameux 5-7-5, mais un haïku dans la tradition japonaise est beaucoup plus que cela…) comme « Palimpseste de la mémoire », sorte d’émanation d’un silence intérieur. Des accords du silence. »
Aujourd’hui, Silvaine Arabo continue de se consacrer à l’écriture, à la peinture qui est la seconde face de sa personnalité artistique, et à la direction du comité de lecture des éditions de l’Atlantique, une autre façon, pour elle, de promouvoir de nouveaux talents poétiques.
Chant final 3
Ils se sont précipités dans la mer avec de grands cris d'oiseaux et des
paraboles de silences.
Ils ont muselé les silex, parsemé d'ivresses les restes de mémoire pauvre,
fendu la mer de leurs nageoires inespérées.
Ils ont fait l'inventaire des hivers, des déserts, des dépôts de sel dans les
grands marais. Ils ont ouvert les roseaux, dispersé les miasmes, camouflé
l'érosion des enfants dans leurs capes de forêts.
O minéralité des sucs !
Ils se sont éveillés de sommeils si lourds, si épais, étonnés d'avoir revêtu
tant d'armures, tant de sangs étrangers, tant de beautés sombres sous la
lune.
Ils ont fendu la mer et la mer s'est ouverte, vibrante cosse, camomille
amère, Circé des déserts.
Ils ont ouvert des chemins dont la trame leur échappait et des toits de
lumière s'ouvraient, des toits de neige très haut, des architectures dans la
montagne.
Ils ont levé le glaive une dernière fois, et les sillages de l'air en étaient tout
Vibrants. (…)
in Regards corpusculaires, © La Bartavelle-Editeur
VI
Le village était très blanc.
De la route
on ne l’apercevait pas.
Blanc démesuré. A crier.
Attente de coquelicot
affrontée à quel obscur désir de mort
sous les terrasses de la mer ?
O blancos muros de Espana ! 4
Apéritif à midi. Sous le soleil. Regard aigu,
insolent
des hommes.
Regards de coqs. De lui. Crête
dressée.
Si beau (trop ?). Gifle. Comme la mer.
Et ce délire toujours
-chauffé à blanc-
dans la cervelle des chevaux
et leurs averses de sabots.
L’heure va tourner
la mémoire poser ses repères
ancrer ses vis douloureuses
ses machines à torture
dans les blessures encore chaudes
alors
un jour
de l’œuvre au noir
jaillira le Mot-Epée
fendant toutes les baies d’orgueil
les lauriers-roses des amours lointaines
et cette présence -immuable-
de ce qui ne passe pas 5
in Une guitare et deux silences, © Encres vives
1 En Inde, Saraswati est la déesse de la connaissance, de l'éloquence, de la sagesse et des arts.
2 Voir sur le site La pierre et le sel d’août 2011, notre note sur la poésie amérindienne.
3 In le site internet Poésie d’hier et d’aujourd’hui, dans la page de Silvaine Arabo.
4 « O blancs murs de l’Espagne », vers de Frederico Garcia Lorca, extrait de « Complainte pour la mort d’Ignacio Sanchez Mejias »
5 Extrait du recueil « Une guitare et deux silences », publié par Encres Vives, en 2004
Bibliographie partielle
- Des Crépuscules et des Colombes (poèmes, 1967, J.F.P.F.)
- Paris et Londres à travers les œuvres de trois auteurs décadents : Baudelaire, J.K.Huysmans et Oscar Wilde (essai, 1969)
- Promontoires (poèmes,1974, Édit. CHAMBELLAND)
- Temporalité des Miroirs I (poèmes, 1991, PONT SOUS L'EAU)
- Temporalité des Miroirs II (poèmes, 1991, Édit. CHAMBELLAND)
- Spicules et Masques d'Ambroisie (poèmes, 1993, Édit. CHAMBELLAND). Avec une illustration originale et inédite de Gustave Singier (reproduite pour les 30 exemplaires de tête sur plaque de cuivre et à titre exclusif pour la présente édition).
- Temps Réfléchi(s) (poèmes et aphorismes,1993, CLUB DES POETES, Paris). Illustrations de Claude Allix. Trois recueils : Silences, Aphorismes, D'Ici et d'Ailleurs.
- Les Adombrés (poèmes, 1994, CHAMBELLAND). Exemplaires de tête illustrés par Silvaine Arabo. Deux recueils : Cycle du Baptiste et La Magdaléenne.
- Arrêts sur Image (poèmes et essai, 1995, CLUB DES POETES, Paris). Illustrations de Silvaine Arabo. Deux recueils : Le Signe et la Trace et Rémanences ogivales.
- Poésie et Transcendance (essai, 1995, CLUB DES POETES, Paris), réédi-tion chez Clapàs en 1996.
- Alchimie du désir (poèmes en prose, 1997, LA BARTAVELLE-EDITEUR), illustration : dessin ordinateur de Silvaine Arabo.
- Le Chagrin de Bérénice (poèmes, 1997, Edit du GRIL, Belgique).
- Prière Muette (poèmes, 1998, CLUB DES POETES, Paris).
- Regards Corpusculaires (poèmes en prose, 1998, LA BARTAVELLE-EDITEUR), illustration ordinateur de S.Arabo.
- Sang d'âme (poèmes, 1998, Edit. “Petit Cahier Poétique” n° 24 de la revue “Europoésie” : 15 poèmes en prose).
- Les cris d'un si long silence (poèmes, 1998, LES DITS DU PONT, Avignon).
- Le Fil et La Trame, réflexions et aphorismes (1999, Edit. Assoc. CLAPÀS).
- Sang d'âme, édition intégrale : 37 poèmes en prose (1999, Edit. EDITINTER).
- Diamant de l'ardoise (2001, Éditions ENCRES VIVES, couverture illustrée par une toile du peintre Caillaud d'Angers).
- Ballade de Chef Joseph, édition bilingue, poèmes traduits en espagnol par le poète péruvien Porfirio Mamani Macedo (2002, Éditions EDITINTER, Paris).
- Lames et Vitraux I : Les matins clairs (Éditions ENCRES VIVES, 2003). Poèmes illustrés par des toiles du peintre Caillaud d'Angers.
- Lames et Vitraux II : L'Or du soir (2004, Éditions ENCRES VIVES). Poèmes illustrés par Caillaud d'Angers.
- Une guitare et deux silences (Éditions ENCRES VIVES, 2004). Illustré par Caillaud d'Angers.
- Kaléidoscope de la mémoire (Éditions ENCRES VIVES, 2006). Avec une encre de Silvaine Arabo en couverture.
- Épures (janvier 2007, Éditions ENCRES VIVES). Avec une encre de Silvaine Arabo en couverture.
- Palimpseste de la Mémoire (novembre 2007, Éditions ENCRES VIVES). Avec une encre de Silvaine Arabo en couverture.
Publications en anthologies
- Mille poètes un poème (“L'Arbre à Paroles”, Belgique).
- Soif de Mots (Edit. du Brontosaure, tomes 1 et 2).
- Ombres (“Expression Culturelle Editeur”, Décembre 1998).
- Lendemains (“Expression Culturelle Editeur”, Décembre 1999).
- L'Anthologie des deux siècles (Ed. “Les Dossiers d'Aquitaine”, 1999).
- 231 poètes d'Europoésie (2000, “Europoésie”).
- Devant le monde, le poète (Éditions Alzieu, Mars 2000).
- Parution dans quatre autres anthologies annuelles (“Expression Culturelle Editeur”).
- Publications de Haï-Kaï dans l'anthologie québécoise d'André Duhaime.
Sur internet
- Le site Poésie d'hier et d'aujourd'hui
- Le site des éditions de l'Atlantique
- Des entretiens sur le site des Études françaises
- Un article sur Incertain Regard de Hervé Martin
- Un article de Michel Camus sur ecrits-vains
- Un entretien accordé en août 2011 à Christian Saint-Paul pour Radio Occitania
Contribution de Jean Gédéon
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