Marcel Béalu, fils de petits commerçants, né en 1908, a mené une vie ordinaire. Ne dédaignant pas le paradoxe, il dira avoir eu la chance de quitter tôt l’école, car, « l’un des plus grands avantages d’être sorti tôt de l’école ou de ne pas y être allé du tout, c’est de découvrir les chefs-d’œuvre à l’âge pour lequel ils ont été écrits ».
Après avoir vendu des chapeaux, il deviendra libraire, successivement rue de Beaune, rue Saint-Séverin, sa dernière boutique à l’enseigne « Le pont traversé » étant située 62 rue de Vaugirard, à Paris. On peut encore aujourd’hui, outre les ouvrages du poète, y trouver de nombreux autres recueils d’auteurs contemporains.
Il est décédé à Paris en 1993
Robert Sabatier le place, dans son Histoire de la poésie du 20° siècle, dans le chapitre des poètes prosateurs, bien qu’il ait, dit-il, écrit autant de poèmes en vers que de prose. Influencé par le surréalisme, il a été, cependant, un des maîtres du poème en prose, racontant la vie ordinaire sur un ton narratif très personnel, avec tous ses aspects quotidiens, simples et anodins en apparence, mais dont le caractère profond peut tout à coup basculer dans l’insolite, le burlesque, l’onirisme ou l’effrayant.
Tel ce court extrait des « Mémoires de l’ombre » dont le titre est regret des oiseaux :
Ma tour était un phare englouti sous les eaux. Devant ses feux éteints et ses miroirs brisés, inutile guetteur, je pouvais voir parfois, traversant les profondeurs opaques peuplées de lémures, un grand navire aux flancs troués se poser sur un lit de bulles roses. Loin de la nuit, loin du jour, enfoncés dans le silence, à plus de mille pieds sous les tempêtes et les ressacs, je vivais là, au milieu des étincelantes ténèbres où nulle heure ne sonna jamais. Le cœur léger d’être sans souvenirs, il m’arrivait souvent d’abandonner à ses propres moyens d'existence mon insolite méditation. À cheval sur la rampe de cuivre, je descendais en vrille, dans l’étroit escalier, jusqu’aux demeures humides, tapissées de pierres vivantes, où m’attendait ma douce, ma pâle jeune fille…
In Mémoires de l’ombre, Gallimard, 1944
À quelqu’un qui lui demandait une définition de la poésie, il donna un jour cette réponse : "La fleur qui tremble sur le visage de l’insaisissable."
Celle que j’aime habite un miroir
Comment pourrais-je la rejoindre
Dans ce fracas d’astres glacés
Moi qui n’ai pas trop de silence
Pour ne ressembler qu’à moi-même
Aux marches blanches du sommeil
Glisserai-je ombre sans mémoire
Vers ce château de solitude
Défendu par tant d’oiseaux noirs
Pour monter jusqu’à son sourire
Sans déranger cette eau profonde
Qui la préserve de mourir
Il me faudrait être la nuit
Et ne plus savoir d’où je viens
In Cœur en guise d’ailes, La Presse à bras, 1950
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Poèmes sont appâts
Dans le fleuve des jours
Pour y pêcher l’amour
Qui sauve de l’oubli
Dans le temps dans l’espace
L’hameçon fit miracle
Ma carpe au ventre blanc
Mon grand poisson doré
Point ne te ferai cuire
Mais hors du fleuve amer
Qui descend vers la mort
Te garderai longtemps
Vivante sous mes doigts
In Yamira, Le Pont traversé, 1975
- Poèmes sur un même thème © Notre Temps, 1932
- Les Yeux ouverts © Paris, E. Figuière, 1936
- Esquisse de l'idole © Imprimerie Delayance, 1936
- Écrits dans la ville © Paris, Édition du Sagittaire, 1937
- La Rivière © Paramé en Bretagne, Édition du Goeland, 1938
- Tumulte des amarres © Feuillets de Sagesse, 1938
- Pouce ! © Feuillets de l'îlot, 1939
- Cœur vivant © Jean Flory, 1941
- L'Île au cri de silence, suivi d'autres poèmes © Cahiers de Rochefort, 1941
- Cœur vivant © Paris, Jean Flory, 1941
- Cœur en guise d'ailes © La Presse à bras, 1950
- Ocarina © Seghers, 1953
- L'Herbier de feu © Rougerie, 1955
- L'Air de vie, 1936-1956 © Seghers, 1958
- Amour me cèle celle que j'aime © Seghers, 1962
- D'où part le regard © Éditions De Beaune, 1964 - réédition Rougerie, 1971
- Dix poèmes pour cartes postales © Le Pont traversé, 1966
- La Voix sans nom © Rougerie, 1967
- La Nuit nous garde © Vodaine, 1968
- L'Écorce et le Vent © Robert Blanchet, 1970
- La Flamme sans ombre © La Motte, 1974
- Yamira © Le Pont traversé, 1975
- Poèmes, 1936-1960 © Le Pont traversé, 1976
- Miroir ambigu de l'Amour © S.M.E., 1979
- Les cent ciels © Robert Blanchet, 1980
- Poèmes, 1960-1980 © Le Pont traversé, 1981
Internet
- Un article Wikipedia
- Sur le site des éditions José Corti
- Sur le site Noosfere
Contribution de Jean Gédéon
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