Il est né en 1906 dans un hameau de la Vienne de parents agriculteurs et il est décédé en 1981. Il repose dans le cimetière de Bonneuil-Matour et on peut lire sur sa tombe l’épitaphe suivante, qui reflète bien sa poésie :
Il portait sur sa lourde épaule
Sa destinée comme un oiseau
Maintenant il dort sous les saules
En écoutant le bruit des eaux.
Après la Faculté de Lettres de Poitiers et l’École Normale de Saint-Cloud, il devient professeur de lettres dans plusieurs lycées parisiens.
Il publie ses premiers poèmes en revue en 1925, et son premier recueil en 1935 qui sera suivi d’une vingtaine d’ouvrages publiés entre autres par Gallimard, Seghers et La Hune.
En 1941, dès la création de l’École de Rochefort, il participe, pour un temps, à ce mouvement.
L’ensemble de son œuvre a été récompensée en 1958 par le Grand Prix de Poésie de la ville de Paris, puis en 1980 par le Grand Prix de Poésie de l’Académie Française.
Sa poésie est accessible à tous, non élitiste ni réservée à un petit noyau de voyageurs en eaux profondes. Et comme le souligne Robert Sabatier, dans son anthologie de la Poésie Française du vingtième siècle :
« Il sait faire rendre au vieux fonds populaire de la poésie française un ton d’insolite qui n’appartient qu’à lui (…)
« Bonheur de l’élégie, bonheur de la chanson, une petite fleur bleue dans le cœur ou une rose au fusil, bonheur de la complainte qui ramène à l’Histoire, on l’aime bien le gars Fombeure, le paysan de Paris, le maître du bestiaire réel ou fantastique, Fanfan la Tulipe la pipe au bec, le bon compagnon d’auberge, toujours prêt à en pousser une »
Animaux nuisibles sont…
J’en demande pardon à mes pesants ancêtres :
J’aime la taupe étrusque et les chouettes aussi
Le loir et le blaireau et la chauve-souris
Qui vient tournevirer le soir à nos fenêtres,
La couleuvre enroulée comme les nuits les jours
Les galops des souris dans les greniers nocturnes
Les crapauds exaltés par les saisons d’amour
Les grenouilles gonflées d’angoisses taciturnes
Pédâches et tarets. Les nuisibles enfin
Tout ce qui grouille et mord aux surfaces des terres
La salamandre bleue, les rats, les aigrefins…
Il faut me pardonner ce cœur involontaire.
Il admet ceux qui tuent, tolère ce qui mange
Car tous ceux-là, ces noirs mal-créés que tu dis
Ne seront réveillés par la trompe des anges
Puisque les animaux n’ont point de paradis.
in Sous les tambours du ciel, © Gallimard, 1959
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Enfants terribles
Les parents
sont étranges
pour leurs enfants
chers anges
Quand ils naissent
Ils les fessent.
Quand ils meurent,
Ils les pleurent.
In A dos d’oiseau,© Gallimard, 1942. Réédité en 1971
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On dansa la ronde,
Mais le roi pleura.
Il pleurait sur une
Qui n’était pas là.
On chanta la messe,
Mais le roi pleura.
Il pleurait pour une
Qui n’était pas là
Au clair de la lune,
Le roi se tua,
Se tua pour une
Qui n’était pas là.
Oui, sous les fougères
J’ai vu tout cela,
Avec ma bergère
Qui n’était pas là.
In A dos d’oiseau,© Gallimard, 1942. Réédité en 1971
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Les écoliers
Sur la route couleur de sable,
En capuchon noir et pointu,
Le 'moyen', le 'bon', le 'passable'
Vont à galoches que veux-tu
Vers leur école intarissable.
Ils ont dans leurs plumiers des gommes
Et des hannetons du matin,
Dans leurs poches du pain, des pommes,
Des billes, ô précieux butin
Gagné sur d'autres petits hommes.
Ils ont la ruse et la paresse
Mais l'innocence et la fraîcheur
Près d'eux les filles ont des tresses
Et des yeux bleus couleur de fleur,
Et des vraies fleurs pour leur maîtresse.
Puis les voilà tous à s'asseoir.
Dans l'école crépie de lune
On les enferme jusqu'au soir,
Jusqu'à ce qu'il leur pousse plume
Pour s'envoler. Après, bonsoir !
In Pendant que vous dormez,© Gallimard, 1953
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Ma femme
Celle qui partage mon pain
Mon lit et mes joies et mes peines
Éloigne de mon front les haines
D’une caresse de sa main
Que je retrouve dans chaque aube
Et plus belle d’avoir vécu,
J’écoute au fond d’un jour vaincu
Le doux bruissement de sa robe.
Contre les pièges dont dispose
Le malheur, paré désormais
Elle apprête les vins, les mets
Et dans les vases bleus, les roses.
"Ma femme." Le beau possessif
Surtout si la compagne est belle
Blanche, élancée comme un if
Et qui chaque an se renouvelle.
Pour le pire et pour le meilleur
C’est, inlassable volontaire,
Pour l’ici-bas et pour l’ailleurs
Le plus beau don de cette terre
Que cet être aux mains de douceur
Épouse, amante, femme et sœur.
In C'était hier et c'est demain © Seghers, 2004
Bibliographie
- Images de la nuit (Sagesse, 1935)
- Les Moulins de la parole (La Hune, 1936)
- Bruits de la terre (Debresse, 1937)
- Maléfices des fontaines (Feuillets de l'Îlot, 1939)
- À pas de souris (Carnets de l'oiseau-mouche, 1939)
- Chansons du sommeil léger (Debresse, 1941)
- D'amour et d'aventure (Debresse, 1942)
- Greniers des saisons (Seghers, 1942)
- Chansons de la grande hune (Les Amis de Rochefort, 1942)
- À dos d'oiseau (Gallimard, 1942. Réédité en 1971)
- Arentelles (Gallimard, 1943)
- Manille coinchée (La Fenêtre Ouverte, 1943)
- Aux créneaux de la pluie (Gallimard, 1946)
- Orion le tueur, avec Jean-Pierre Grenier (Bordas, 1946)
- Sortilèges vu de près (Denoël, 1947)
- J'apprivoise par jeu (R. Cayla, 1947)
- Poussière du silence (Seghers, 1950)
- Les Étoiles brûlées (Gallimard, 1950)
- Nicolas Eekman, Introduction à l'Album II (Paris, 1950)
- Dès potron-minet (Seghers, 1952)
- Le vin de la Haumuche (éditions Bellenand, Paris 1952)
- Pendant que vous dormez (Gallimard, 1953)
- Une forêt de charme (Gallimard, 1955)
- Sous les tambours du ciel (Gallimard, 1959)
- Paris m'a souri, avec le photographe Ervin Marton (Alpina, 1959)
- Silences sur le toit (Éditions Saint-Michel, 1960)
- Quel est ce cœur ? (Gallimard, 1963)
- À chat petit (Gallimard, 1967)
- Les Étoiles brûlées et Quel est ce cœur ? (Gallimard, 1983)
- Le Vin de la Haumuche (UPCP, 1989)
Internet
- Un article Wikipedia
- Sur le site de la ville de Jardres, sa ville de naissance, une biographie très complète avec photos.
- Un article de Philippe Pineau sur le site de la revue Texture
Contribution de Jean Gédéon
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