Voici quelques semaines, un soir, aux informations sur la Syrie, une image déchirante : dans un cimetière, un vieux syrien en larmes hurle son désespoir, sans masque, face à la caméra « Aidez-nous, aidez-nous, pour la liberté… »
Depuis, dans le silence épais recouvert par les raisons stratégiques et mercantiles des puissances que l’on dit libres, les tortionnaires Syriens tirent au canon sur la population civile, arrachent les ongles de gosses de douze ans coupables d’avoir inscrit sur les murs des slogans anti gouvernementaux, ou font disparaître pour toujours les opposants aux régimes.
Chacun d’entre nous ne pèse individuellement que son poids de néant et nous ne pouvons rien faire pour modifier en quoi que ce soit l’ordre du monde. Il nous reste cependant la voix des poètes, et comme le vieux syrien, nous pouvons encore crier avec lui notre indignation devant l’injustice,
De Vénus Khoury-Ghata, dont le Liban, son pays d’origine, a lui aussi connu les horreurs de la guerre, ce beau poème :
C’était une saison inscrite sur le front de la terre
les oiseaux s’arrêtaient en plein vol
Seules les maisons marchaient
Des cercueils amarraient à nos portes
et des morts frileux séchaient sur nos toits leurs doigts
frileux
seules nos maisons marchaient
les hommes étreignaient des poupées
les femmes dilataient leur corps jusqu’aux quais
les enfants en papier s’épinglaient sur les murs des écoles
seules nos maisons marchaient
parce qu’ils ont hésité entre la rose et l’ombre
parce qu’ils ont chargé leurs fusils de pluie
ils sont morts d’oubli
ne meurent que les crédules
qui abritent sous leur toit un nuage étranger
qui écrivent leurs visage sur la buée des villes
qui étreignent un canon de peur d’être seuls
ne meurent que les naïfs
qui saignent avec le coquelicot
ils meurent le soir
quand les aiguilles s’alignent
qu’elles deviennent couteau dans la bouche des cadrans
lorsqu’ils décident de mourir
que la terre à leurs yeux se décolore
ils prennent par la main leur vie
leur font visiter tous les recoins de leur corps
lorsqu’ils décident de mourir
ils délaissent leur peau au premier tournant du chemin
ici il y avait un pays
le feu se retira des mains des femmes
le pain déserta les sillons
et le froid dévora tous les enfants qui portaient une jonquille
sur l’épaule
In Poètes contre la guerre
Contribution de Jean Gédéon
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