Les massacres délibérés de civils perpétrés, en toute impunité, depuis des mois par l'armée du Président syrien, les arrestations arbitraires et les tortures qui s'y ajoutent nous amènent à pousser ce cri d'indignation, cri formulé, en son temps, par Andrée Chedid.
Porteurs de cicatrices
Les morts aux visages rompus se redressent
La langue des humiliés se gonfle
Orageuse se lève la marée des victimes
Mais prenez garde porteurs de cicatrices !
Éteignez dans vos chairs les volcans de la haine
Piétinez l'aiguillon et crachez le venin
qui vous apparenteraient un jour aux bourreaux
Étouffez ces clairons ces sonneries
qui forcent la ressemblance
qui commandent le talion
Questionnez vos viscères
Percez vos propres masques
Soyez autres !
In Poèmes pour un texte (1970-1991) © Flammarion 1991, p.119
Née au Caire en 1920 de parents libanais, Andrée Chedid a vécu en France à partir de 1946, elle a consacré sa vie à la poésie et, décédée à Paris le 6 février 2011, elle repose au cimetière du Montparnasse ; sensible à toutes les injustices, elle a dénoncé vivement la guerre civile qui a déchiré le Liban.
J'écris pour essayer de dire des choses vivantes, qui bouillonnent au fond de chacun : j'espère ainsi communiquer. Les sujets que je choisis sont en général marqués par la tragédie et par l'épreuve.
Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, les malheurs, la cruauté du monde ; mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l'avenir.
VISAGE I
Éclaboussé de sang
Pénétré de mémoires
Broyé par les bourreaux
Aplani par la mort
Taillé aux mesures
des haines ou de l'amour
Tu t'obstines à renaître
VISAGE !
Filtrant le temps
Filtrant le clair
Filtrant l'obscur.
In Poèmes pour un texte (1970-1991) © Flammarion 1991, p.121
Internet
- Sur le site mondalire
- Le site officiel (en anglais)
- Wikipedia
Contribution de Roselyne Fritel
Que peut la poésie face à la plus extrême barbarie ? Que peuvent les mots face à la force aveugle et sourde ? Reste à souhaiter que ces minces paroles aient suffisamment de puissance pour être une des gouttes d'eau qui fassent tomber les dictatures, en Syrie comme ailleurs. Reste à garder la conviction que les poèmes sont des armes redoutables tout autant que les instruments de musique, les pinceaux et les appareils photos.
PPierre Kobel
Merci pour le choix de l'auteure, le choix de ce poème et son message si important pour ne pas oublier que la haine qui n'engendre que la haine, n'apporte rien à l'humanité.
Etre à côte des victimes de la haine pour dénoncer la barbarie et aider à l'émergence d'un monde de liberté et de respect. Si nos politiques de tous pays se mettaient à lire les poèmes de ceux qui dénoncent la barbarie au lieu de leur couper les doigts, comme le vie pourrait être autre!
Rédigé par : marie-christiane moreau | 16 février 2012 à 16:15
Très bel article rendant hommage à la fois à Andrée Chedid et criant de révolte contre la barbarie. Que la "Pierre et le Sel" soit un peu le sel de la terre, quel noble objectif !
Rédigé par : Hélène Millien | 14 février 2012 à 10:36