Á l’heure où pleuvent les bombes sur le peuple syrien qui réclame justice et hurle sa détresse et sa révolte, à l’heure où naissent et meurent sous des bombardements impitoyables tant de petits Syriens, ce poème de Jean Rousselot dédié à sa fille est d’une brûlante actualité.
Pour les seize ans d’Anne-Marie
Anne-Marie, le jour de tes seize ans,
Souviens-toi que tu es née sous les bombes, mon enfant.
Oui, souviens-toi, Marie, que tu naquis pendant
L’abominable guerre
Sous les courtines de la terreur
Sur un sommier de chair saigneuse.
Souviens-t-en, souviens-t’en, Marie au nom de mère,
De pleureuse qui prend mesure de son fils
En allongeant son corps troué sur ses genoux ;
Souviens-t’en, souviens-t’en le jour de tes seize ans
Et ne l’oublie jamais,
Et qu’il y ait toujours du pain dans ta balance
Pour annuler le sang, le désastre, la honte
Et l’injustice
Qui vers le bas, si lourdement, tirent le monde.
Anne-Marie née sous les bombes
Avec ce nom de mère, avec ce nom d’amour,
Avec ce nom de paix et de perpétuité.
Souviens-t’en, souviens-t’en
Quand tu iras dans les autres mondes, en week-end,
Et que je serai mort depuis longtemps.
Ces étoiles, là-haut, ressemblent aux mitrailles
Qui crevaient les plafonds la nuit de ta naissance.
Retiens de pleuvoir sur l’homme des labours et des garages,
Des usines et des fumées,
Toujours le même, mon enfant,
Dans le chef-d’œuvre si vulnérable de sa peau,
Dans le miracle de sa pensée à chaque instant sauvée des eaux.
Sois tout amour, Marie, toi qui naquis pendant
L’abominable guerre.
In Poèmes sur les femmes © Éditions Le Temps des Cerises 1997 P. 122
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Contribution de Hélène Millien
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