S.G. Lucas
(…) parfois marre et nous
pèse son énorme mort
chaque été or nous
creusons les sables
râteaux et pelles en
plastique moules ballons
et seaux châteaux
chevaliers princesses
engloutis et des siècles
de genoux et de coudes
ensablés
(…)les taloches de mémé
géorgie n’ont laissé que
des marques de sel sur
nos joues aux grandes
tables d’été nous
souvenons à broder les
tissus de nos enfances
mémé le corps et la tête
en tire-bouchon dans son
fauteuil à roulettes après
sa sieste ensemble irons
glisser sur les sentiers la
porterons par-dessus
rochers et cailloux en
reconnaissance du passé
(…)
In ouh la géorgie, © Polder 126, 2005, p. 18/29
Co-édition Décharge/Gros textes
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Maram al-Masri
Petit cheval
1.
Sur une étagère poussiéreuse
avec plein d'autres objets abandonnés
un petit cheval me regarde
comme s'il me demandait de le prendre dans mes bras
mais que faire de lui ?
j'ai haussé les épaules
et je suis partie en galopant
2.
Le temps passe sur
l'étagère de la boutique du monde
et les poussières aussi
un hennissement sort du capharnaüm
le cheval que j'ai vu jadis
est toujours là
il m'attend, me suis-je dit
comment ne pas le décevoir ?
il est cher pour ma bourse et je n'ai pas de place
mais cette fois en partant
nous avons galopé ensemble
3.
Bras dessus bras dessous
j'ai amené un cheval dans mon royaume
je l'ai bien astiqué pour lui ôter sa solitude
et ses peurs
sur sa patte gauche une blessure
et dans le cœur un trou
j'ai remarqué combien le temps l'avait maltraité
j'ai bien soigné ses bobos
qui t'a fait ça?
il a baissé les yeux et a commencé
à se balancer
chez moi tu seras roi, lui ai-je promis
et près du lit je l'ai fait dormir
je ne voulais pas lui donner de mauvaises habitudes
comme on fait avec les hommes, les chiens et les chats
j'étais obligée
4.
Ce matin, mon cheval me demande de sortir
il me dit que ma chambre
est toute petite pour galoper
il a besoin des champs
des montagnes
des arbres
de l'odeur de la liberté
Ô petit cheval de bois
fais comme moi
rêve !
5.
Arrête de me regarder
avec tes yeux doux !
dois-je croire que tu me vois?
arrête de me parler
je ne comprends pas la langue des chevaux
arrête de me donner des coups de pieds
tu veux peut-être
que je t'embrasse ?
Ô ! petit cheval de bois
penses-tu que mon baiser
te transformera
en prince ?
cheval de bois ?
ton visage pourtant
me sourit.
In Enfances, © Bruno Doucey, 2012, p.82
Extrait de La robe froissée, © Éditions Bruno Doucey, 2012. À paraître le 9 mars 2012
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Norge
Petite pomme
La petite pomme s'ennuie
De n'être pas encore cueillie,
Les grosses pommes sont parties,
Petite pomme est sans ami.
Comme il fait froid dans cet automne !
Les jours sont courts ! Il va pleuvoir !
Comme on a peur au verger noir
Quand on est seule et qu'on est pomme.
Je n'en puis plus, viens me cueillir,
Tu viens me cueillir, Isabelle ?
Comme c'est triste de vieillir
Quand on est pomme et qu'on est belle.
Prends-moi doucement dans ta main,
Mais fais-moi vivre une journée,
Bien au chaud sur ta cheminée
Et tu me mangeras demain.
Contribution de PPierre Kobel
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