Hugo von Hofmannsthal
Un jeune garçon
I
II ignora longtemps combien les coquillages
Sont beaux ; il était trop d'un même monde qu'eux ;
Rien en lui ne vibrait au parfum des jacinthes,
Sans émoi pour ses propres traits dans le miroir.
Et cependant ses jours étaient épanouis
Comme un val qui se ploie en forme d'une lyre
Où seigneur il serait et vassal tout ensemble
De la blanche existence, et sans pouvoir choisir.
Comme un qui fait encor ce qui ne lui sied point,
Mais plus pour bien longtemps, il allait sur les routes ;
Le retour au foyer, les longues causeries,
Son âme en un désir muet les appelait.
II
Avant d'être trempé pour supporter son sort
Il but plus d'un calice amer aux lourdes lies.
Un jour il se dressa d'un élan singulier
Sur la rive, léger et vide étrangement.
À ses pieds dans les flots roulaient des coquillages,
Dans ses cheveux épars fleurissaient des jacinthes ;
Il comprit leur splendeur et sut leur raison d'être :
Ici-bas, la beauté nous console de vivre.
Avec un incertain sourire il les laissa
Pourtant retomber vite : un regard circulaire
Sur ces belles prisons bientôt lui fit comprendre
Sa propre destinée, hélas ! inconcevable…
In Poèmes, trad. C. Ducellier, xmile-Paul, 1948
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Anne Hébert
Une petite morte
s'est couchée en travers de la porte.
Nous l'avons trouvée un matin, abattue
sur notre seuil
Comme un arbre de fougère plein de gel.
Nous n'osons plus sortir depuis qu'elle est là
C'est une enfant blanche dans ses jupes mousseuses
D'où rayonne une étrange nuit laiteuse.
Nous nous efforçons de vivre à l'intérieur
Sans faire de bruit
Balayer la chambre
Et ranger l'ennui
Laisser les gestes se balancer tout seuls
Au bout d'un fil invisible
À même nos veines ouvertes.
Nous menons une vie si minuscule et tranquille
Que pas un de nos mouvements lents
Ne dépasse l'envers de ce miroir limpide
Où cette sœur que nous avons
Se baigne bleue sous la lune
Tandis que croît son odeur capiteuse.
Le Tombeau des rois, in Poèmes, © Éditions du Seuil, 1960.
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Paul Vincensini
Un petit enfant bègue me parle
– J'ai vu j'ai vu dans la vallée
Un joli petit nez.
– Un joli petit nez ?
– Un joli petit néné.
– Oh ! le vilain !
– Un joli petit néné cucul…
– Voyons, tu n'y es plus !
– J'ai vu j'ai vu un joli petit nénécureuil.
In Qu'est-ce qu'il n'y a ?
Contribution de PPierre Kobel
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