Né en 1948 et décédé en 1997, Al Berto fut et reste un des plus importants poètes de sa génération, un auteur phare de la poésie portugaise contemporaine. Homme de voyages, de navigations, d'exils et de longues méditations, il n'en fut pas moins un acteur important de la littérature par ses activités d'écrivain, d'éditeur et de traducteur. Son œuvre est traduite en français par Michel Chandeigne et éditée par les éditions de l'Escampette.
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- - 1979
très silencieux j'attends
que se décide quelque subite et magnifique métamorphose
les moustiques redoublent de férocité recherchent les veines
où coule le printemps ligneux des chardons
et le sang végétal de volatiles animaux exhale des arômes
dans la poitrine respirent encore les immenses nuits
les pays aux neiges surprenantes... cocons sûrs
pour cacher le corps… des arbres aux nodules vivants
éclatent sur la peau en constellations de sève incandescente
ensuite
je déroule les mots adolescents et je recule
jusqu'à atteindre la vision parfaite du début
ces gribouillis colorés issus du premier crayon
la graphie des eaux occultée par le corps-mère
je reviens vers moi
les doigts enflés par l'humidité presque solide de la maison
le temps est un désastre dans la torpeur de son vol... il se déchire
quand je pénètre le silence des demeures où j'ai vécu
et les villes s'effondrent dans la folie… dans la mort
qui a engourdi le regard lors du vieillissement des siècles
je sais
ce miroir m'incite à découvrir la mort
le visage se fissure et des larves s'en échappent
douces moisissures tourbillon d'air voix multiples... je sais
ce miroir reflète le visage qui me trompe
je passe la nuit dans les dents de la nuit
je suppose qu'un de ces jours le matin se lèvera
j'invente un cœur ouvert à l'invasion des huîtres malades
je me prépare à produire la perle du sommeil éternel
tandis que le monde continue à sécréter des catastrophes
j'entends la rumeur effrayée des fourmis incessantes
elles ramassent et rangent la moindre chose… loin de ce rêve d'été
In Salsugem, Quinta de Santa Catarina, p.26-27 – © L’Escampette, 2003
Contribution de PPierre Kobel
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