L'écharpe bleue
Mon mouchoir de dentelle
n'est qu'une écharpe bleue
que je laisse au passant
comme une garantie de ce que
je ne suis pas
Et le vent me fait ivre…
Viennent à mon cou des écharpes bleues
Que la main ne retient pas.
Je fuis sur la pointe de mes cheveux
dès que le soleil m'enlève.
Jouent sur mes seins des lumières ajourées
Que la main ne retient pas.
L'arbre est déraciné et les ondes l'abreuvent
Sorcière et dénudée, l'aube se fait féline
Le jour mue
en un scintillement de femmmes nues
dans les eaux qui les baignent.
La main ne les retient pas.
Les hommes aux rendez-vous tamisés attendent dans la pénombre
l'aumône d'une nuit
lorsqu'elles les trompent avec le vent de mer.
Et je reviens mouillée
m'essuyer sur ton corps.
In Créolie, 1984
In Outremer, © Bruno Doucey, 2011, p.167
Notice de l'éditeur : Originaire de la Réunion où elle a été documentaliste, Claire Karm est née à Toulon, en 1958. elle a vingt ans quand paraissent ses premiers poèmes dans Créolie 78, une recension annuelle de poètes réunionnais. Et déjà, les mots fulgurent : " Les petits poèmes tout bêtas et tout doux qui se brisent les pieds à dire "aime", les chansonnettes à blason, sont venus me voir piteux : "Pourquoi les clochettes n'ont plus de lépreux ?". Elle publie son premier recueil, Au danseur de feu (UDIR) en 1983, et son second dix ans après : Rue d'après (Ader). Elle écrit des nouvelles et des contes. Poète de la fragilité et de l'éphémère, elle dit : "Je suis aussi petite qu'une goutte de pluie, aussi limpide, aussi perdue, aussi nombreuse".
Rappelons que pour cette anthologie Outremer, les éditions Bruno Doucey ont obtenu le prix du livre insulaire de Ouessant en 2011.
Écharpe bleue perdue parmi tant de poètes, il se trouve une voix exilée pour te célébrer.Il se trouve, au milieu de la houle des badauds, une oreille attentive pour l'entendre et me le rapporter, merci .
Rédigé par : Roselyne Fritel | 29 mai 2012 à 09:48