Un an après un premier numéro 52/53 qui lui était consacré, Daniel Martinez et Isabelle Lévesque consacrent un nouvel opus à Thierry Metz. Ce numéro 56 vient conforter les écrits nécessaires à la compréhension et à la connaissance d'un poète essentiel. Daniel Martinez écrit :
« L’assise, et l’élan recherché, du regard aux signes, à leur transcription, ensemble nous fascinent. Sans jamais effacer donc la relation au référent, sa poésie saisit d’emblée la note juste, elle anime les choses mêmes, baignées d’une lumière constante, obscure parfois, dans l’ombre de la main qui écrit (le tableau de Gaetano Persechini, « Poursuite de la lumière » – qui orne la première de couverture – ouvre la voie). Lumière du quotidien, avec, en filigrane toujours, le poème en attente, qui librement surgira, sans faillir. »
Et Isabelle Lévesque termine un texte consacré au recueil Le drap déplié par ces lignes :
« Écrire serait lier le silence (d’un mot). Humble travail de patience où seul compte ce qui ne se mesure pas : le blanc, la lumière, la trace presque invisible. Le livre même s’inscrit dans le passage des oiseaux, d’une aile portée par la voix. Or elle ne consent qu’un peu d’eau, un filet clair comme lumière miraculeuse et fragile :
« Le champ
le chemin blanc
j’entre avec eux
dans l’eau
jusqu’au ciel. »
Il s’écrit encore le peu, le silence atteint presque dans un apaisement que le poème, en suspens, à la frontière de la diction et du silence, pourrait offrir. »
Plus loin ces propos de Muriel Vertichel :
« Thierry Metz s’est levé pour atteindre le ventre de la pierre, celle du sacrifice, pour toucher l’arc-en-ciel, pour arracher la torche aux mains du dormeur, car c’est au poète qu’il revient d’élever la voix, de donner une parole qui soit plus qu’un langage codé, de vivre un rêve qui soit plus qu’un mirage extraterrestre, de passer à gué la mer comme une berge offerte. Il manque tant aujourd’hui de ces hommes qui marchent pour vaincre le provisoire, qui écrivent pour nous rappeler le goût de l’inutile et de la simplicité, de ces poètes qui, en prenant de la hauteur, donnent à notre regard une authentique part aux vies muettes d’où se détachent parfois une petite voix d’homme, un visage parmi d’autres. » (p.159)
Et enfin sous la plume de Nathalie Riera :
« On gagne de relire Thierry Metz en ces temps de surenchère et d’arrogance verbale (« Soleil et coq sont les deux extrêmes / de ta parole » ). Dans Dolmen (Prix Froissart, 1989), place non pas à l’empesé mais à l’élémentaire, car tout au long de son vivant, Thierry Metz n’aura pas réduit la poésie à un simple exercice de style. Aucune place à la sublimation pour le poète « échappé des fables ». Thierry Metz reste dans l’expérience de ce qui se vit et de ce qui est, et ce qu’il en recueille, dans l’espace de l’écriture se transmue en bribes lumineuses de ce peu de chose : « l’infime est plus sûr que le reste.
Aucune nuit n’est exclue dans l’écriture du poème, et le monde jamais dessaisi de son énigme et de sa transparence. » (p.175)
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Quel chemin sans neige invoque la terre ?
(Oubli.)
Quelle avancée crisse le jour de griffe silencieuse ?
(Suffisance.)
Tout procède, tout percute et flocon
souffle le soir sur le givre.
Disparaît. Deux doigts de signes accourent :
la branche est une main, sa chair de neige suggère
l’empreinte.
Tu es dans le jour précipité, ta trace
ignore la certitude.
(Tout fond : matin.)
Je te reconnais, ta disparition m’ignore.
Encore un signe immobile confondu :
nuage de givre et brève.
Je n’entends pas disparaître.
Ta poussière est sur le rêve.
Fantôme, le drap la neige.
Le chemin écarte les branches :
c’est ta main
plus que peut-être en flocon de naître.
Isabelle Lévesque, in Diérèse 56, p.69
La Pierre et le Sel publie conjointement à cet article, celui que Isabelle Lévesque a écrit lors de la publication, à la fin 2011, d'un inédit, Carnet d'Orphée et autres poèmes, par les éditions des Deux Siciles.
Daniel Martinez et Isabelle Lévesque seront présents sur le Marché de la Poésie au stand 604.
Internet
- Un entretien entre Christian Saint-Paul et Daniel Martinez sur Radio Occitania
- Une chronique libre dans le Monde de PPierre Kobel
Contribution de PPierre Kobel
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