Est-ce que ton nom ne me fut pas prédit avant que rien encore ne commençât, quand titubait mon âme assourdie de silence au bord du puits céleste ?
Et quand follement les tintamarres forains secouèrent la clématite, j'ai été sûr que tu saurais tenir tête aux nuits torrentielles du grand ange.
Mais te fallait-il tant de si longs jours pour supplanter nos guerres, nos deuils, ma soif et ta propre apparence en mon cœur alors qu'autour de moi tournaient les signes et les cyclones ?
Les printemps effleuraient de leurs pieds blêmes les lacs et s'en allaient, pervenche aux dents, mourir de dégoût dans les taillis sans laisser de trace sur la mousse faute de s'être étendus contre ton corps.
Tant de soleils et de mouches foreuses sous l'étouffante frondaison m'assiégèrent qu'à la nuit j'ai fui sur la mer leur rumeur qui m'interdisait de t'entendre respirer.
J'ai guetté ta voix dans les syllabes étrangères pareilles aux pluies sans fin sur les greniers vides, sans trouver de répit qu'à des remâchements d'herbe dont je trompais lâchement mon attente.
Que de fureurs, une fois leur force épuisée, m'abandonnèrent stupide et frémissant sur l'amas des mondes en débris sans que ma joue ait frôlé à travers l'orage ton épaule !
Certes, après tes intolérables discrétions et les chers crimes par qui je m'ouvrais mes chemins, quel saisissement d'avoir cru t'entendre approcher et d'entendre aux lisières de tes cils ton regard !
Solennité, solennel déchirement du voile quand à quinze heures le dieu des vieux étés voit d'un seuil octobral le ciel nacreux à portée de sa main.
Alors un buisson flambe tout seul, tout l'après-midi, au bout d'une terre déserte avec ton crépitement de paroles brèves à mi-voix telles qu'aucun détour ne m'aurait mené en écouter d'autres.
Si tes cendres s'endorment un soir dans le fossé où de frêles souffles les mêleront aux miennes, saurons-nous encore à quelle hauteur nocturne brasillent les étincelles de notre feu ?
In Élégies © Gallimard
Contribution de PPierre Kobel
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