Matière friable
Le
radeau de soie
De la petite araignée
Toujours à la
dérive
Dans le remous des poussières,
N’est pas plus
fragile
Que ma main perdue
Dans la houle des caresses.
Mon
cœur n’est qu’une aile
Qui bat de travers
Qui m’arrache
le côté
Et me livre aux trous d’air.
Mon sang, flot de
la mer,
M’anime et me soulève
Comme le reflet de
l’étoile
Mêlé aux brindilles blêmes.
Ma chair et mes
os
Changés tous les sept ans
Sont des habits d’occasion.
Un
seul épi me transperce,
Un vol d’oiseau me traverse
L’horizon
sillonné de voiles pointues
(lame aux dents aigues)
Me scie
les jambes,
Le couperet de la vague
Décapitant la grève
A
ras des épaules
Me coupe la tête.
Mon ombre me dépasse
Ma
vie n’est à personne
Pas plus qu’à moi-même,
Je partirai
criblé de flèches
Sans me souvenir de moi.
In Cri de l’Homme , © éditions de l’ Arène 1944 – Revue la Poésie française contemporaine de Suisse 1974, page 50.
Note de l’éditeur
Né en 1912 à Genève, mort dans cette ville en 1965. D’abord unanimiste et whitmanien, il s’intéressa au surréalisme et, dès 1940, s’engagea dans un singulière exploration de la réalité organique et minérale, qu’il poursuivit solitairement jusqu’à sa mort. Il correspondit avec plusieurs poètes français, notamment Jean Lescure, Jean Rousselot et Lucien Becker (avec lequel il s’était découvert des affinités.)
« …J’aime la nudité de vos poèmes. À chaque page, il y a comme un éclatement de silex, se nourrissant d’un feu sourd qui relie les mots les uns aux autres. » Lucien Becker (Extrait d’une lettre, Paris, 28 mars 1959)
« Je ne vois pas de références à vous épingler. Vous êtes vous-même, avec cette fluidité qui ne demande qu’à devenir arête » Jean Rousselot (Extrait d’une lettre, 1952)
Contribution de Hélène Millien
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