A INVENÇAO DA POESIA BRASILEIRA
Eu
escutava o homem maravilhoso,
O
revelador tropical das atitudes novas,
O
mestre das transformações
em caminho :
«É
preciso
criar a poesia deste país
de sol !
Pobre da tua poesia e da dos teus amigos,
Dessa
poesia nostálgica,
Dessa
poesia de fracos diante da vida forte.
A vida é
força.
A
vida é
uma afirmação
de heroísmos
quotidianos,
De entusiasmos isolados donde nascem mundos.
Lá
vai passando uma mulher…
Chove na velha praça…
Pobre
dessa poesia de doentes atrás
das janelas !
Eu quero o sol na tua poesia e na dos teus amigos
!
O
Brasil é cheio de sol ! O
Brasil é cheio de força !
É
preciso
criar a poesia do Brasil !»
Eu escutava, de olhos irônicos e
mansos,
O
mestre ardente das transformações
próximas.
Por
acaso, começou a chover docemente
Na tarde monótona
que se ia embora.
Pela vidraça da minha saleta morta
Ficamos a
olhar a praça debaixo da chuva lenta.
Ficamos em silêncio um
tempo indefinido…
E
lá
embaixo passou uma mulher sob a chuva.
L'invention de la poésie brésilienne
J'écoutais
cet homme merveilleux,
ce révélateur tropical des tendances
nouvelles,
ce maître des transformations en cours :
« Nous
devons absolument créer la poésie de ce pays ensoleillé ! »
quelle
pitié que ta poésie et celle de tes amis,
quelle pitié que
cette poésie nostalgique, cette poésie de faibles devant la vie
forte.
La vie est force.
La vie est une affirmation d'héroïsmes
quotidiens,
d'enthousiasmes épars qui engendrent des mondes.
Une
femme passe… Il pleut sur la vieille place…
Malheur à cette
poésie de malades derrière leurs fenêtres !
Je veux le
soleil dans ta poésie et dans celle de tes amis !
Le Brésil
regorge de soleil ! Le Brésil déborde de force !
Nous
devons créer la poésie du Brésil ! »
J'écoutais,
les yeux pleins d'ironie et de douceur,
le maître enflammé des
transformations imminentes.
Par hasard, il se mit à pleuvoir
doucement
Dans le soir monotone qui finissait.
Par la vitre de
mon petit salon sans vie,
nous sommes restés à regarder la place
sous une pluie lente,
nous sommes restés en silence pendant un
long moment…
En bas, dans la rue, une femme est passée sous
la pluie.
Pour présenter les différents poètes brésiliens publiés dans La Pierre et le Sel, notre ami Jean Gédéon s'est appuyé sur l'Anthologie de la nouvelle poésie brésilienne de Serge Bourjéa, avec des traductions de Marcella Mortara, parue en 1988 chez l'Harmattan. Un autre ouvrage, La poésie du Brésil, Anthologie du XVIe au XXe siècle vient de paraître chez Chandeigne en édition bilingue avec un choix, une présentation et des traductions de Max de Carvalho. C'est un gros volume de presque 1500 pages qui couvre quatre siècles d'écriture, de trois mythes des Indiens du Xingu à un texte de Regina Célia Colônia, née en 1940. En préface Max de Carvalho écrit : « J'aimerais qu'on puisse lire cette anthologie de plusieurs manières. Tout d'abord au fil de pages feuilletés, au hasard des surprises, des découvertes, des retrouvailles. Puis comme un récit où les ruptures narratives marquées par l'enchaînement des épisodes n'entraînent aucune réelle solution de continuité. Enfin, en s'engageant sur quelques sentiers de traverse, selon ces itinéraires intimes que sont comme je l'ai dit les thèmes et les villes, les paysages et les événements, les échos de voix lointaines qu'une intemporelle affinité rapproche. »
Cobra norato
XI
Acordo
A
lua nasceu com olheiras
0 silêncio dói
dentro do mato
Abriram-se as estrelas
As águas
grandes se encolheram com sono
A noite cansada parou
Ai
compadre !
Tenho vontade de ouvir uma música
mole
que se estire por dentro do sangue ;
música
com gosto de lua
e do corpo da filha da rainha Luzia
que me
faça ouvir de novo
a conversa dos rios
que trazem queixas do
caminho
e vozes que vêm de longe
surradas de ai ai
ai
Atravessei o Treme-treme
Passei na casa do
Minhocão
Deixei
minha sombra para o Bicho-do-Fundo
só
por causa dafilha da rainha Luzia
Levei puçanga de cheiro
e
casca de tinhorão
fanfan com folhas de trevo
raiz de mucuracaá
Mas nada deu certo…
Ando
com uma jurumenha
que
faz um doizinho na gente
mexe com o sangue devagarinho
XI
Je
me réveille
La lune s'est levée avec des cernes
Le silence
dans la forêt fait mal
Les étoiles s'allument
Les grandes
eaux dorment recroquevillées
Lasse la nuit s'est
arrêtée
Ah ! Compère !
J'ai envie d'écouter
un de ces airs languissants
qui dans le sang s'étirent ;
une
musique qui ait un goût de lune
et celui du corps de la fille de
la reine Luzia
qui me fasse entendre à nouveau
ce que
racontent entre eux les fleuves
charriant des plaintes sur leur
chemin
et les voix venues de loin
rompues de soupirs
J'ai
traversé le Pays tremblant
Je suis passé chez Gros Lombric
J'ai
laissé mon ombre à la Bëte-du-Fond
tout ça pour la fille de la
reine Luzia
J'ai emporté un philtre aromatique
et de
l'écorce de cœur-saignant
la mauve à feuilles de trèfle
et
des racines de verveine puante :
rien n'y a fait…
Je
me sens ces temps-ci une de ces amours
qui vous font mal là
et
qui vous brassent doucement le sang
(extrait)
Raul Bopp (1898-1984)
Si, au fil des pages, la poésie brésilienne aborde la diversité des thèmes communs que sont la mort, les riches paysages d'une nature souvent luxuriante, l'amour et la sensualité, le quotidien, le fantastique, elle le fait avec une invention propre marquée de vitalité et d'invention au-delà des influences européennes et du classicisme. Une note cite un passage des Disciples à Saïs de Novalis dans l'édition de Poésie/Gallimard, 1980 avec une traduction de Armel Guerne : « Les hommes vont de multiples chemins. Celui qui les suit et qui les compare verra naître des figures qui semblent appartenir à une grande écriture chiffrée qu'on entrevoit partout : sur les ailes, la coquilles des œufs, dans les nuages, dans la neige, dans les cristaux et dans la conformation des roches, sur les eaux qui se prennent en glace, au-dedans et au-dehors des montagnes, des plantes, des animaux, des hommes, dans les lumières du ciel, sur les disques de verre et les gâteaux de résine qu'on a touchés et frottés, dans les limailles autour de l'aimant et dans les conjonctures singulières du hasard. »
Cet ouvrage vient compléter et renouveler les approches précédentes d'une poésie qui s'inscrit dans une projection constructive, qui compose un panorama multiple des expressions et sait se réinventer au fil des générations successives.
Vida
toda linguagem,
frase perfeita sempre, talvez verso,
geralmente
sem qualquer adjetivo,
coluna sem ornamento, geralmente partida.
Vida toda linguagem,
há
entretanto um verbo, um verbo sempre, e um nome
aqui, ali,
assegurando a perfeição
eterna do período,
talvez verso,
talvez interjetivo, verso, verso.
Vida toda
linguagem,
feto sugando em língua
compassiva
o sangue que criança espalhará
- oh metáfora
ativa !
leite
jorrado em fonte adolescente,
sêmen de homens maduros, verbo,
verbo.
Vida toda linguagem,
bem o conhecem velhos que
repetem,
contra negras janelas, cintilantes imagens
que lhes
estrelam turvas trajetórias.
Vida toda linguagem -
como
todos sabemos
conjugar esses verbos, nomear
esses
nomes :
amar,
fazer, destruir,
homem, mulher e besta, diabo e anjo
e deus
talvez, e nada.
Vida toda linguagem,
vida sempre perfeita,
imperfeitos somente os vocâbulos mortos
com que um homem
jovem, nos terraços do inverno, contra a chuva,
tenta fazê-la
eterna –
como se lhe
faltasse
outra, imortal sintaxe
à vida que é
perfeita
língua
eterna.
Vie
tout langage,
phrase parfaite toujours, peut-être
vers,
généralement sans adjectif aucun,
colonne sans
ornement, généralement brisée.
Vie tout langage,
fœtus
suçant en une langue compatissante
le sang qu'un enfant répandra
– oh métaphore active !
Lait jailli d'une source
adolescente,
semence d'hommes mûrs, verbe, verbe.
Vie tout
langage,
ces vieillards le savent bien qui répètent,
contre
de noires fenêtres, de scintillants images
qui étoilent pour eux
de troubles trajectoires.
Vie tout langage -
comme nous tous
savons
conjuguer ces verbes, nommer
ces noms :
aimer,
faire, détruire,
homme, femme et bête, diable et ange
et dieu
peut-être, et rien.
Vie tout langage,
vie toujours
parfaite,
imparfaits seulement les vocables morts
par lesquels
un homme jeune, sur les terrasses de l'hiver, contre la pluie,
essaie
de la rendre éternelle – comme si lui manquait
une autre,
immortelle syntaxe
à la vie qui est
parfaite
langue
éternelle.
Mário
Faustino (1930-1962)
traduction Michel Riaudel
Internet
-
Une page des éditions Chandeigne
- Un article de Jean-Yves Masson dans le Magazine littéraire
Contribution de PPierre Kobel
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