Ils
ne se rendent pas à la nuit ; n'entendent pas
les
avertissements, ; ne rencontrent pas les loups
qui guettent
parfois aux
carrefours. La nuit était claire. L'air
sentait
encore le printemps. Mais
et la lune, tâchée de sang ?
Et
les murmures qui sortent de terre,
comme si quelqu'un vivait
dessous ?
On ne doit pas confondre l'arbre
avec la
forêt ; ni cueillir les fleurs
qui n'ont pas encore donné
de fruit. Il vaut mieux
attendre l'hiver : et alors,
voir
surgir le monde derrière des branches
sans feuilles, dans
sa réalité la plus exacte.
Nuno Júdice, in Anthologie de la poésie portugaise contemporaine, © Poésie / Gallimard, 2003, p.359 – Traduction Michel Chandeigne.
La littérature de jeunesse est continuellement traversée par une charge poétique qui nourrit son imaginaire, lui permet de transcender les époques et les contingences culturelles pour faire atteindre le lecteur, grâce à l'écriture et à l'illustration, à l'enfance perpétuée, ses peurs de l'inconnu et ses rêves de l'éternité.
Il est dans ce domaine de la création, comme dans les autres, des personnalités remarquables par leur talent et leur inventivité. À l'instar de Maurice Sendak, de Tomi Ungerer, de Claude Ponti pour n'en citer que quelques-uns, Mario Ramos était de ceux-là.
Né en Belgique en 1958, d'un père portugais et d'une mère belge, Mario Ramos développa très jeune un goût prononcé pour le dessin qui l'aidait à vivre. Il fait des études de graphisme, découvre l’œuvre de ses maîtres et débute par le dessin de presse, des affiches, des pubs avant de commencer à illustrer des livres écrits par d'autres.
Zoo
À
la tombée de la nuit
quand se sont refermées les
grilles
l'éléphant rêve à son grand troupeau
le rhinocéros
à ses troncs d'arbre
l'hippopotame à des lacs clairs
la
girafe à des frondaisons de fougères
le dromadaire à des oasis
tintants
le bison à un océan d'herbes
le lion à des
craquements dans les feuilles
le tigre de Sibérie à des traces
dans la neige
l'ours polaire à des cascades poissonneuses
la
panthère à des pelages passant
dans des rayons de lune
le
gorille à des bananiers croulant
de leurs fleurs
violettes
l'aigle à des coups de vent
dans des canyons de
nuages
le phoque aux archipels mouvants
de la banquise
disloquée
les enfants du gardien à la plage
Michel Butor, in À la frontière, © La Différence
Le premier album entièrement de son fait paraît en 1995. C'est Le monde à l'envers. Un enfant se sent mal dans le monde avant que tout ne se remette à l'endroit et qu'il renaisse. Désormais Mario Ramos ne cessera de développer un univers où la rigueur des idées laisse toujours une grande place à l'humour. Un univers qui s'attache au questions que se posent les enfants, qui installe les peurs, le malaise de soi, qui pousse à ne pas perdre ses rêves d'enfant. Et de citer Bernard Shaw en exergue de Quand j'étais petit : « Beaucoup de gens ne sont jamais jeunes ; quelques personnes ne sont jamais vieilles. »
Il ne cessera ensuite, face à la difficulté de grandir, de proposer des albums où l'humour se mêle à une animalerie à l'anthropomorphisme burlesque, à une plongée dans les contes comme une source inépuisable d'inspiration. C'est ainsi que son œuvre est à plusieurs reprises, marquée par des variations sur le thème du Petit Chaperon Rouge. C'était encore la cas avec la parution de Mon ballon ! en mars 2012. Une œuvre, certes écrite pour les enfants, mais qui ne peut laisser insensibles nombre d'adultes, toujours prêt à renouer avec leur propre enfance.
Complainte de la princesse sans prince
Couleurs
du monde sont en moi
Regards du ciel et des fontaines
Fraîches
couleurs du mois de mai
Où je suis née en riche plaine.
Quel
livre me dira le nom
Du prince amer qui me dit non ?
Voix
du chant chantent en ma voix
Chansons des eaux et des
feuillages
Plaintes aussi de qui s'en va
Vers l'horizon, un
jour de neige.
Quel livre me dira le nom
Du prince amer
qui me dit non ?
Couleurs de l'aube sont en
moi
Couleurs de jeux et de jeunesse
Vaines couleurs, vaines
sans toi
Dont le regard de nuit me blesse.
Quel livre me
dira le nom
Du prince amer qui me dit non ?
Georges-Emmanuel Clancier, in Une voix, 1956
Dans un livret que lui ont consacré les éditions de L'école des loisirs sous le titre Le monde de Mario Ramos, les auteurs écrivent : « Mario aime se définir comme un optimiste désespéré. Il a envie de dire aux enfants : « La vie est merveilleuse, pleine de découvertes passionnantes. Mais faites attention, il faut être vigilant ! » ». Mario Ramos nous a quitté brutalement le 16 décembre 2012, à l'âge de 54 ans, pour la grande peine des siens, de ses confrères et de tous ses lecteurs.
L'inconnu
Je
marche dans la solitude des livres :
mon cœur gèle
avec
ces mémoires gelées.
Le vent tape au volet.
Novembre.
Il
a fallu toute une vie pour que le craquement du bois
suscite une
attente essentielle.
Au-delà du jardin
au-delà du temps
devant nous
il y a les bogues tombées de châtaignes
le feu
des feuilles dans la brume
les fenêtres violettes.
Exactement
novembre.
Toute chose à sa place.
Cependant l'inconnu
est proche
comme un oiseau inquiet.
Marie-Claire Bancquart, in Sans lieu sinon l'attente, © 1991
Bibliographie partielle
Internet
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L'hommage de L'École des loisirs
Contribution de PPierre Kobel
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