À l'heure où, après deux ans de combats, la Syrie bat des records en nombre de victimes, ce texte d'un poète syrien pour dire la place prépondérante de la poésie malgré le malheur.
Ô temps étroit… Ô vaste terre (extrait)
« Que
font les morts
de dix
lys
flétris et cinq oiseaux muets ? »
Ruines
et clôtures
mouchoirs et civières :
tel est mon
cœur
Mulets accablés, arbres dénudés
enfants usés, fleurs
étiolées
amas de crânes, livres, plumes d'oiseaux :
tel est mon cœur
Bombe
mur sombre et voie barrée
noces
comptées en mois et funérailles en jour
« Embrasse-moi, que je
t'abatte »
« Je te donne mon cœur, tu m'offres le gibet
»
sirènes d'alarme et cercueils
vieux fers et tintements
factices
épitaphes pâlies et carnages d'exportation :
tel est mon cœur
Amis et cannibales
rues et stèles du
souvenir
heures infinies… de six à deux et demie
heures
infinies… de neuf à demain ou après-demain
de demain aux
années à venir
heures qui s'étirent, débordant les besoins du
cœur
vastes étendues, débordant les besoins des pas
balles
de fusil et poignards, débordant les besoins des morts
volatiles
décrépits et cages d'excellente facture
modulation de
fréquence
dix lys flétris et cinq oiseaux muets
chat noir
bourré de poussière, paille et ressorts détraqués
coupe-ongles
avis
postaux ignorés
voyageurs et assassins, compliments bons à
tirer
avertissements en recommandé : « Veuillez excuser
notre refus »
dernière heure du dernier jour du neuvième
mois :
tel est mon cœur
Seigneur de jadis et seigneur
de ce jour
montagnes pelées et cœurs rongés par
l'acide
langages et sourires rongés par l'acide :
tel
est mon cœur
In Les Poètes de
la Méditerranée - ©
Poésie/Gallimard,
2010, p.201
Traduction Claude Krul
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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