Laure Albin-Guillot, 1879-1962, fut dans les années 1920-1940 une figure incontournable de la photographie.
Le Musée du jeu de Paume nous offre, cette saison, l'occasion de la découvrir ou de la redécouvrir dans toute son originalité et sa modernité, du 26 février au 12 mai 2013. Il met à l'honneur ses nus féminins et masculins aussi remarquables par le cadrage et l'angle des prises de vue que par leur expressivité et leur sensualité. Il poursuit avec nombre d'œuvres réalisées à partir de détails de végétaux ou de minéraux, agrandis par photomicrographie, rassemblées et publiées en 1931 dans Micographie, livre qui valut à leur auteur une notoriété immédiate et internationale.
Il présente aussi beaucoup de ses photos publicitaires, qui, de la pharmacie à la mode en passant par l'horlogerie, l'automobile, la bijouterie ou la haute couture, lancérent quantité de produits relevant des domaines de pointe de l'époque. Il évoque en particulier sa collaboration avec l'imprimerie. Entre 1934 et 1951, elle illustre seule pas moins de onze livres : roman, manuel scolaire, guide pour le musée du Louvre, livre de prière, etc...
Elle approche également des poètes et écrivains comme Paul Valéry, Henry de Montherlant et naissent alors de cette relation de somptueux « livres d'artistes » combinant texte et photos. Des exemplaires de ces livres, devenus pièces de collection de nos jours, figurent dans les vitrines. Il faut pour les apprécier se rappeler que le marché de la photographie était alors inexistant. Laure Albin-Guillot l'a ouvert, ce qui lui a permis d'écrire à la fin de sa vie : « j'ai fait accepter la photographie dans la bibliographie. »
Notre plaisir n'en est que plus grand de rapprocher ses photos de nus de poèmes de Bernard Noël, né en 1930 dans l'Aveyron, poète, essayiste, critique d'art et romancier français.
NUDITÉ
immense
étendue
silencieuse
qui
se dérobe
en elle-même
et
par
ce retrait
montre
que toute possession
est mensonge
In
Le
reste du voyage, La lumière du noir ©
Points Le Seuil 2006, p.157
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nudité
dressée là comme un geste
appelant pour leurrer le désir
on
le sait mais le savoir n'est pas
comme une joue brûlée ou la
main
il y a des signes et du langage
tout ce qu'il faut pour
franchir le mur
depuis son bord on se pencherait
pour voir tout
le battement intime
que de sexes en attendant ouverts
tant de
promesses pour nulle part
l'âge tout à coup comme un coup
bas
nulle vie sans contenant fermé
et pourtant quelle
circulation
est-ce un rêve ou est-ce une pensée
que la
rondeur partout d'une épaule
ou d'un dos faisant le mur
aimable
ou si belle en soi la fermeture
Ibid p.158
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pourquoi
toujours fendue la beauté
dotée d'une bouche où
balbutie
l'imprononçable mot de passe
et pas moyen d'en
détourner l’œil
cependant
que l'amour crie misère
Ibid
p.164
Internet
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Laure Albin-Guillot au Jeu de Paume
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Un article Wikipedia
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Des photos sur Arago – Le portail de la photographie
Contribution de Roselyne Fritel
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