Deux ans, plus de deux ans que la Syrie fait tristement la une des médias au fil d'une interminable comptabilité de morts et de destructions. Maram al-Masri écrit la douleur des siens qui est aussi la sienne. Elle use de la poésie pour dire que la liberté n'a pas de prix.
Sur
le mur d'une école
le mot liberté a été écrit avec de la
craie blanche
par les petites mains des écoliers.
Sur le
mur de l'Histoire
la liberté a écrit leurs noms
avec du sang.
In
Elle va nue la liberté, © Bruno
Doucey, 2013, p.13
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L'avez-vous
vu ?
Il portait son enfant dans ses bras
et il avançait
d'un pas magistral
la tête haute, le dos droit…
Comme
l'enfant aurait été heureux et fier
d'être ainsi porté dans
les bras de son père…
Si seulement il avait été
vivant.
In Elle va nue la liberté, © Bruno Doucey, 2013, p.21
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Les
caisses de bois, caisses de bois
se lèvent avec légèreté
comme
si elles étaient faites d'air.
Elles tournent, tournent…
Ils
dansent avec elles,
ils
chantent
des chansons qui éclatent dans le ciel,
fondent les
montagnes de douleur.
Elles tournent,
tournent
comme si elles avaient des ailes,
volent comme si
elles dansaient
d'épaule en épaule, elles
montent,
elles
montent,
elles
tombent…
Des
caisses de bois nu
austères comme la mort des pauvres.
En
elles,
des cris étouffés,
des rêves aux yeux fermés,
des sourires
qui jamais plus ne verront de lèvres.
En elles,
des visages mouillés,
les baisers d'une mère
orpheline.
Cercueils,
cercueils,
cadeaux onéreux
pour le mariage de la liberté.
In
Elle va nue la liberté, © Bruno
Doucey, 2013, p.41
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Scène
quotidienne :
Une file d'attente devant la boulangerie,
des
bruits d'explosions.
Tout fuit.
Même les arbres
commencent
à arracher leurs racines pour courir.
Sauf la faim.
Elle
s'en fiche
et continue son attente
pour acheter
le pain.
In
Elle va nue la liberté, © Bruno
Doucey, 2013, p.69
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15 mars 2013 : 5000 femmes dans les prisons syriennes.
Que
faites-vous, mes sœurs,
quand vos seins gonflent
et durcissent
de douleur ?
Quand la souffrance
déchire
votre
ventre
que
la tristesse vous inonde
et
que le sang
coulant entre vos jambes
noircit, durcit.
Que
faites-vous de l'odeur ?
Comment faites-vous, mes sœurs,
quand
vos règles arrivent
dans les prisons froides
et obscures
dans
les prisons où l'on frappe et l'on torture
dans les prisons où
vous êtes
entassées
enchaînées ?
Que faites-vous,
mes sœurs,
lorsque la rage coule dans vos yeux ?
In
Elle va nue la liberté, © Bruno
Doucey, 2013, p.85
Courtes scènes de la vie quotidienne et de la douleur, évocation de la mort, regards, celui des enfants, celui des mères, celui des étrangers. Notations de l'intime, plongée à l'intérieur de l'impensable, travail pour la mémoire, pour dire et redire que cela ne doit plus avoir lieu.
Bibliographie partielle
-
Par la fontaine de ma bouche, © Bruno Doucey, 2011
-
La robe froissée, © Bruno Doucey, 2012
-
Elle va nue la liberté, © Bruno Doucey, 2013
Internet
-
Sur le site des éditions Bruno Doucey
Contribution de PPierre Kobel
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