En complément de l'article de Hélène Millien publié le 6 juin 2013 et consacré à Alain Borne, voici quelques autres textes de ce poète, auteur d'une œuvre méconnue et de la plus haute teneur.
Dans sa préface au recueil Encres publié par l'Atelier du Hanneton en 2003, Philippe Biget écrit : « …la poétique de Borne, son ciel entier pour reprendre son expression, nous invite à l’exploration incessante des voies mystérieuses, des porosités inconnues qui relient l'amour, la mort et la pulsion créatrice. »
Ont-ils tort
ceux qui
parlent de l'amour
comme d'une menue poussière
qui vole et qui
se cache
et dont on ne peut mourir
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Le sang fraîchit
comme le jour
quand le soleil s'en va du vent
et qu'un manteau
de froid
souffle aux épaules
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Âge profond et sans
retour
qui déjà fait peur au sang
ne pas mourir est un
courage
puisque mourir est avancé
In Encres, © Atelier du Hanneton, 2003, extraits
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Je
vais me taire ce soir après ce poème
ranger ma voix et mon
sang
laissez venir quelques heures où tout se passe
comme si
tu n'existais pas.
Je te vois encore pourtant dans la main de
la nuit
scandalisé que de loin tu apparaisses
comme un pétale
de rose
ou un jet de lait ou une flèche d'étoile
en forme de
femme.
Femme, tu es femme
vêtue et dévêtue de
peau
fraîche et chaude pleine de sang et d'os
pareille, mon
ineffable,
à tout le troupeau.
Laisse laisse laisse
mon
amour et mes mots
de séparer en te chantant
trier de la boue
mon diamant
faire exploser ma seule foudre.
In La nuit me parle de toi, © trident neuf, 2006
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Ce
qui est survenu est un poignard dans mon cœur, ce qui jamais ne
surviendra en est la plaie.
Elle sourit en cet instant : elle
ouvre en cet instant sa robe, humilié, altière, blessé, pareille
au blé, pareille à la rançon, pareille à la foudre tombée dans
l'aigle.
Je tiens son meurtre : c'est une rose. La Fête-Dieu chante dans le jardin. C'est une rose qui parle à mes doigts de sa peau, et je l'égrène et je me couche sur le sable loin du dessin que j'ai formé.
Fanfares à perte d'oreilles, foule douce, huile de la foule aux mille têtes moirées, la mort dans sa châsse sur les épaules d'or.
Le phosphore est monté du lait, le regard comme un oiseau s'en est allé.
Je compte les pierres dans le chiendent, je me couche dans le chanvre et je dors.
Je me souviens des lis et de l'encens, de la chanson funèbre et de l'enfant conversait dans le feu.
La couche était blanche, le soleil dans son sac douillet de sang, le fer suspendu.
In Le plus doux
poignard, © L'Arachnoïde,
2012,
p.27
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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