Il est né dans une famille de la petite bourgeoisie catholique, et à la fin de ses études secondaires, il entre dans la classe préparatoire de médecine.
Il écrit de la poésie depuis son adolescence, et au début de 1914, certains de ses poèmes sont publiés dans une revue et remarqués par Valéry.
En 1915, déclaré bon pour le service, il fait ses classes dans l’artillerie à Pontivy, puis il est affecté comme interne de médecine à l’hôpital de Nantes, où il fera connaissance avec les horreurs de la guerre, qu’il décrira plus tard « comme un cloaque de sang, de sottise et de boue »
En 1916, il rencontre Jacques Vaché avec qui il se lie d’amitié et qui lui ouvrira des horizons nouveaux concernant ses orientations littéraires, notamment la découverte de Jarry.
Muté au Centre de neurologie de Saint-Dizier, il se frotte à la folie et touche du doigt la frontière ténue qui sépare parfois le déficit mental et les capacités de création artistique.
Après un séjour au front comme brancardier, il rentre à Paris.
En 1917, il rencontre Aragon comme lui interne en médecine, Reverdy, Soupault, et Apollinaire.
Malgré la guerre et la censure lui parviennent de Zurich ou Berlin, des échos assourdis des manifestations révoltées de Dada et quelques-unes des publications de ce mouvement.
En 1919, il publie un premier recueil de poésie intitulé Mont de Piété, puis en 1923, un second, Clair de terre, dont voici un extrait.
Tournesol
À Pierre Reverdy
La
voyageuse qui traversa les Halles à la tombée de l'été
Marchait
sur la pointe des pieds
Le désespoir roulait au ciel ses grands
arums si beaux
Et dans le sac à main il y avait mon rêve ce
flacon de sels
Que seule a respiré la marraine de Dieu
Les
torpeurs se déployaient comme la buée
Au Chien qui fume
Où
venaient d'entrer le pour et le contre
La jeune femme ne pouvait
être vue d'eux que mal et de biais
Avais-je affaire à
l'ambassadrice du salpêtre
Ou de la courbe blanche sur fond noir
que nous appelons pensée
Le bal des innocents battait son
plein
Les lampions prenaient feu lentement dans les marronniers
La
dame sans ombre s'agenouilla sur le Pont-au-Change
Rue
Gît-le-Coeur les timbres n'étaient plus les mêmes
Les promesses
des nuits étaient enfin tenues
Les pigeons voyageurs les baisers
de secours
Se joignaient aux seins de la belle inconnue
Dardés
sous le crêpe des significations parfaites
Une ferme prospérait
en plein Paris
Et ses fenêtres donnaient sur la voie lactée
Mais
personne ne l'habitait encore à cause des survenants
Des
survenants qu'on sait plus dévoués que les revenants
Les uns
comme cette femme ont l'air de nager
Et dans l'amour il entre un
peu de leur substance
Elle les intériorise
Je ne suis le jouet
d'aucune puissance sensorielle
Et pourtant le grillon qui chantait
dans les cheveux de cendre
Un soir près de la statue d’Étienne
Marcel
M'a jeté un coup d’œil d'intelligence
André Breton
a-t-il dit passe
La poésie surréaliste © Seghers 1970 p. 81
En 1920, Tzara débarque à Paris. L’entente cordiale entre les deux personnalités va durer quelques mois, le temps d’organiser de concert des manifestations publiques qui suscitent surtout incompréhension et scandales. Très vite, Breton va réviser son jugement sur Tzara et son mouvement, qu’il considère comme infantile, rompre avec lui et promouvoir son propre mouvement qu’il baptisera le surréalisme selon la formule inventée par Apollinaire, et dont la définition est, selon Breton, « un automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée, sous sa dictée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »
En 1927, il rencontre, au cours d’une lecture, Suzanne Muzard, qui devient sa maîtresse en même temps que celle d’Emmanuel Berl. Ils vont vivre une aventure passionnée et orageuse, traversée de ruptures et de retrouvailles, jusqu’en 1931.Puis en 1934, c’est la rencontre avec Jacqueline Lamba qui lui donnera une fille, Aube, et lui inspirera le récit L’amour fou.
En 1938, il organise la première Exposition internationale du surréalisme à Paris, puis effectue un voyage au Mexique où il fait la connaissance de Diego Rivera et de Frida Khalo .
Mobilisé en 1939, il est affecté comme médecin à Poitiers, puis à l’armistice, il se trouve en zone non occupée à Marseille où il est rejoint par Jacqueline Lamba et leur fille Aube.
En 1941, il embarque à destination des États-Unis, où il est engagé par Pierre Lazareff comme speaker à la radio de la Voix de l’Amérique, à destination de la France.
Jacqueline le quitte, et en 1943, et il la remplace aussitôt par Elisa Claro. Visite conjointe du Canada et des réserves indiennes du Nevada.
Il est de retour en France en 1946 et relance les activités du surréalisme. Il doit se défendre et désamorcer les polémiques autour de Tzara qui se présente comme le nouveau chef de file du surréalisme, ou contre Jean-Paul Sartre qui considère les surréalistes comme des petits-bourgeois. Il ferraille, par ailleurs, contre l’active propagande stalinienne qui se répand de plus en plus dans la presse et les médias.
De 1953 à 1957, il dirige la publication, pour le Club français du livre, d’un collection intitulée Formes de l’art et dont le premier tome, écrit sous sa plume, s’appellera L’art magique.
En septembre 1966, atteint d’une insuffisance respiratoire, il est rapatrié de son village du Lot à Paris.
Il meurt le lendemain, à l’hôpital Lariboisière.
Depuis, il repose au cimetière des Batignolles où sur sa tombe on peut lire les mots suivants : « Je cherche l’or du temps ».
En dehors des recueils cités plus haut et de ses textes théoriques, sur l’art et la poésie, Breton a écrit de nombreux poèmes, dont voici quelques exemples :
L’union libre
Ma
femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d'éclairs de
chaleur
À la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre
entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de
bouquet d'étoiles de dernière grandeur
Aux dents d'empreintes de
souris blanche sur la terre blanche
À la langue d'ambre et de
verre frottés
Ma femme à la langue d'hostie poignardée
À la
langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
À la langue de
pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d'écriture
d'enfant
Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle
Ma femme aux
tempes d'ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma
femme aux épaules de Champagne
Et de fontaine à têtes de
dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d'allumettes
Ma
femme aux doigts de hasard et d'as de cœur
Aux doigts de foin
coupé
Ma femme aux aisselles de martre et de fênes
De nuit de
la Saint-Jean
De troène et de nid de scalares
Aux bras d'écume
de mer et d'écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma
femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d'horlogerie et de
désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau
Ma femme
aux pieds d'initiales
Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds
de calfats qui boivent
Ma femme au cou d'orge imperlé
Ma femme
à la gorge de Val d'or
De rendez-vous dans le lit même du
torrent
Aux seins de nuit
Ma femme aux seins de taupinière
marine
Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de
spectre de la rose sous la rosée
Ma femme au ventre de dépliement
d'éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au
dos d'oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de
lumière
À la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et
de chute d'un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux
hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et
de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
Ma femme
aux fesses de grès et d'amiante
Ma femme aux fesses de dos de
cygne
Ma femme aux fesses de printemps
Au sexe de glaïeul
Ma
femme au sexe de placer et d'ornithorynque
Ma femme au sexe
d'algue et de bonbons anciens
Ma femme au sexe de miroir
Ma
femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et
d'aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux
yeux d'eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours
sous la hache
Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air de terre et
de feu
In La poésie surréaliste © Seghers 1970 p. 82
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Au beau demi-jour…
Au
beau demi-jour de 1934
L'air était une splendide rose couleur de
rouget
Et la forêt quand je me préparais à y entrer
Commençait
par un arbre à feuilles de papier à cigarettes
Parce que je
t'attendais
Et que si tu te promènes avec moi
N'importe où
Ta bouche est volontiers la nielle
D'où repart sans cesse la
roue bleue diffuse et brisée qui monte
Blêmir dans l'ornière
Tous les prestiges se hâtaient à ma rencontre
Un écureuil
était venu appliquer son ventre blanc sur mon cœur
Je ne
sais comment il se tenait
Mais la terre était pleine de reflets
plus profonds que ceux de l'eau
Comme si le métal eût enfin
secoué sa coque
Et toi couchée sur l'effroyable mer de
pierreries
Tu tournais
Nue
Dans un grand soleil de feu
d'artifice
Je te voyais descendre lentement des radiolaires
Les
coquilles même de l'oursin j'y étais
Pardon je n'y étais déjà
plus
J'avais levé la tête car le vivant écrin de velours blanc
m'avait quitté
Et j’étais triste
Le ciel entre les
feuilles luisait hagard et dur comme une libellule
(…)
In
La
poésie surréaliste
© Seghers 1970 p. 86
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Personnages
dans la nuit
guidés par les traces phosphorescentes des
escargots
Rares sont ceux qui ont éprouvé le besoin d'une aide semblable en plein jour, — ce plein jour où le commun des mortels a l'aimable prétention de voir clair. Ils s'appellent Gérard, Xavier, Arthur... ceux qui ont su qu'au regard de ce qui serait à atteindre les chemins tracés, si fiers de leurs poteaux indicateurs et ne laissant rien à désirer sous le rapport du bien tangible appui du pied, ne mènent strictement nulle part. Je dis que les autres, qui se flattent d'avoir les yeux grands ouverts, sont à leur insu perdus dans un bois. À l'éveil, le tout serait de refuser à la fallacieuse clarté le sacrifice de cette lueur de labradorite qui nous dérobe trop vite et si vainement les prémonitions et les incitations du rêve de la nuit quand elle est tout ce que nous avons en propre pour nous diriger sans coup férir dans le dédale de la rue.
In La poésie surréaliste © Seghers p. 95
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Femme et oiseau
Le chat rêve et ronronne dans la lutherie brune. Il scrute le fond de l'ébène et de biais lape à distance le tout vif acajou. C'est l'heure où le sphinx de la garance détend par milliers sa trompe autour de la fontaine de Vaucluse et où partout la femme n'est plus qu'un calice débordant de voyelles en liaison avec le magnolia inimitable de la nuit.
Ibid p.96
Certains, qui ne l’aimaient pas, se sont moqués de l’homme, de sa stature, de son regard altier qui en imposaient à ses interlocuteurs et de sa propension à jouer les pontifes ou les gourous
Pour d’autres, plus nuancés, il a constamment usé de son autoritarisme et de son charisme pour imposer ses théories, maintenir la cohésion de son groupe, et il a eu le mérite de mettre au jour et de formaliser les mécanismes psychiques qui sous-tendent la poésie depuis ses lointaines origines. Restent, pour lui donner vie et la transmettre aux éventuels lecteurs, les mots, indispensables, et la façon plus ou moins émotionnelle de les assembler et les transmettre.
Pour le reste, la prétention du surréalisme à changer le monde par la révolution a échoué. Si le monde change, en effet, c’est uniquement par la course du temps qui brasse peu à peu les hommes et leur façon de voir le monde.
Mais, là où Breton avait sans doute raison, la poésie et l’art restent, peut-être, les seules voies susceptibles de faire face à la Barbarie, qui comme le Phénix renaît sans cesse de ses cendres.
Il n’est pas, encore, interdit de rêver…
Internet
-
Un article Wikipedia
-
Le site André Breton pour entrer dans l'univers du poète
Contribution de Jean Gédéon
Le surréalisme n'a pas échoué à changer le monde, puisqu'il s'agit d'une révolution individuelle : tant qu'existeront des êtres humains, le surréalisme restera d'actualité. Comme dans le film "Alphaville", parfaite illustration de la pensée surréaliste, nous vivons dans un monde totalitaire étouffé par le conformisme, les tabous et les interdits. Et comme dans le chef-d'oeuvre de Jean-Luc Godard il n'existe que deux moyens d'émancipation, ceux énoncés par André Breton, Paul Eluard etc... : l'amour-passion et l'art, la poésie.
Rédigé par : Sylvain Foulquier | 23 septembre 2018 à 15:54