Le Festival des Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée s'est déroulé pour la quatrième année consécutive dans la ville de Sète, du 19 au 27 juillet 2013.
Pierre Kobel et Roselyne Fritel y assistaient pour la troisième fois, ils se font, ici, un plaisir de vous relater certains des temps forts partagés par l'un ou l'autre ou les deux.
Nous sommes lundi 22 juillet 2013, et tout juste débarqués en milieu d'après-midi, la chaleur est au rendez-vous. Une brise de mer soulève pourtant le vélum, tendu au-dessus des chaises longues blanches, dressées en pleine Grande Rue Haute.
Françoise Ascal est interrogée à propos de son recueil, Lignées, illustré par Gérard Titus-Carmel, paru aux Éditions Æncrages, en avril 2012. Gérard Meudal, selon son habitude, a lu l’œuvre dont il va parler et ses questions sont documentées et pertinentes comme seront directes et profondes les réponses du poète.
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Lui : « Votre poésie est élémentaire, sans vous vexer. »
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Elle : « J'en suis très touchée, car « élémentaire » renvoie aux éléments, ce qui me comble, moi qui suis si bachelardienne. Je viens d'un silence, celui d'un univers sans paroles, tout mon travail est un arrachement à ce silence ancestral. Écrire c'est fait pour respirer, mais sans devenir amnésique et dans une volonté de loyauté vis-à-vis des générations précédentes et un désir de rendre la poésie lisible, sans élitisme, sans partir dans une écriture, qui se sépare du lieu commun à vivre ensemble. »
Une heure plus tard, dans la cour privée de la rue de La Place du Génie, c'est Marie-Claire Bancquart, qui répond à son tour aux questions de Catherine Pont-Humbert.
Sète étant bâtie sur des collines, il faut courir d'un lieu à l'autre, selon ses choix, trouver un siège à l'ombre si possible, s'asseoir et ouvrir son cahier de notes et prendre l'échange au vol. Cette démarche aiguise l'intérêt et la passion, tout au long des journées. La qualité des intervenants comble, dans l'instant.
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C.Pont-Humbert : « Les lieux ont-ils une incidence sur votre écriture ? »
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M-C Bancquart : « Oui, surtout chez moi, qui vois des choses que d'autres ne voient pas. Les faucons sur Notre Dame, les abeilles sur les toits de l'Opéra. J'aime Paris, ses laideurs, ses splendeurs. La vision des ex-égouts de Louis XIV dans le 19e, les dessous des ponts de la Seine avec leurs scolopendres qui pendent. Le Paris clandestin, les restes de cimetières protestants dans le 6e, un reste de fortifications de Paris dans un garage de voiture. J'ai écrit un Essai sur les tours, en terminant sur la tour Saint Jacques, construite par un magicien, en quête de la pierre philosophale, Nicolas Flamel.
Marie-Claire Bancquart, que nous retrouverons à d'autres reprises durant la semaine avec Alain son mari, à la présence attentionnée et complice, fait partie des invités d'honneur de cette année. Avec une élégance et un respect du public, elle aura soin de lire des parts différentes de son œuvre remarquable à chacune de ses interventions.
Le mardi 23 à midi, lecture apéritive Grande Rue Haute.
Bruno Doucey y a convié un poète grec Tassos Galatis, né dans les îles ioniques, professeur de grec ancien et moderne, qui a enseigné en Égypte et en Grèce, et un autre poète croate Sladan Lipovec, Européen dans l'âme, rédacteur en chef de la Revue Collège, accompagnés par un musicien marocain, Mohammed Zeftari, qui improvise sur son luth.Mélange des voix poétiques et musicales, brassage des cultures, toutes générations confondues, éphémère fraternité.
Enfin, les Grecs, présents dans le public, se mettent à danser sur un sirtaki, né sous les doigts du musicien marocain. (photos)
À 15 h, rencontre italienne très originale, rue des Trois Journées. Carlo Bordini un monsieur grisonnant à l'apparence sévère d'ancien professeur d'histoire, qui se révèle débordant d'un humour sarcastique, tandis que Claudio Pozzani son compatriote, plus jeune, possède, outre le fait d'écrire avec esprit de la poésie, un talent de performeur et un coffre aux sonorités infinies, dont il donnera un échantillon mémorable en répétant le mot ombra en écho.
Interrogé sur la place du poète dans la cité moderne qu'est Rome, Carlo Bordini répond sans piper : « Moi, c'est très simple, je vis au 3e étage et c'est ma place. » Claudio Pozzani renchérit : « Moi je suis au 1er mais à Bologne, lui est au 3e étage, mais à Rome ! »
Reprise également pour l'un d'entre nous, dès 15h sur la Place du Pouffre, sur le thème : « être éditeur de poésie », une séquence animée avec chaleur et compétence par Michel Baglin. Il reçoit conjointement ce jour-là Alain Gorius pour les éditions Al Manar et Bruno Doucey pour les éditions qui portent son nom. Ambiance enjouée avec deux partenaires importants de ce festival puisque Alain Gorius édite à cette occasion cinq des poètes invités et Bruno Doucey édite l'Anthologie de l'année qui regroupe des textes de l'ensemble des poètes. Ils sont deux exemples emblématiques de ce que la poésie a de vivant et d'une volonté affirmée qu'elle retrouve un public. Si leurs choix éditoriaux ne sont pas les mêmes, certains de leurs auteurs sont communs aux deux.
De 17 à 18h, c'est une rencontre avec Yves Namur, poète belge né à Namur, reçu Grande Rue Haute, par Gérard Meudal. Avec charme et humour, le poète distille les aspects de son écriture et les rapports qu'il entretient avec elle. Yves Namur a été un poète trop précoce selon ses dires. Il a eu la chance d'être mis en contact par son instituteur, dès l'âge de 9 ans, avec des peintres et des écrivains comme Soulages et Claude Seignolle. Poète, fondateur et responsable des éditions Le Taillis Pré, Yves Namur exerce également, à plein temps, une carrière de médecin. Sous le dehors d'une affabilité sympathique et tout en laissant deviner le bon vivant qu'il sait être, il laisse percevoir les interrogations, les fragilités qui nourrissent une œuvre de profonde réflexion en recherche de l'envers du miroir.
Il évoque aussi un livre un peu particulier, paru chez PHI, La petite cuisine bleue. J'aime emprunter un chemin de traverse, dit-il, je suis gourmand et gourmet, j'aime le vin, la cuisine.J'ai fait partie d'une académie de cuisine, qui n'existe plus, qui invitait des membres intéressés par les arts à goûter des mets choisis et à écrire dessus. J'ai mangé tous les plats à propos desquels j'ai écrit ! »
La journée de poésie se terminera sur les quais à écouter Bruno Doucey et la poète albanaise Luljeta Lleshanaku lire leurs textes dans l'accompagnement inventif et sensible du violon de Delphine Chomel.
On n'écrira jamais assez combien la présence des musiciens qui interviennent durant les diverses séquences du festival est un apport positif. Ponctuant les lectures par des intermèdes qui sont autant de respirations, accompagnant les poètes par des improvisations légères et attentives, ils donnent une couleur chaleureuse et nuancée aux mots.
Mercredi 24, dix heures du matin, c'est la chance de partir durant trois heures, « toutes voiles dehors », en mer, à bord du voilier Le laisse dire, où une belle inconnue, colombienne, Angela García, doit dire ses poèmes au large, devant un petit groupe de passionnés de mer et de poésie.
Certes, il fait un soleil de plomb une fois les voiles affalées et le bateau encalminé au large, mais s'il faut mourir autant que ce soit en poésie !
D'ailleurs, la voix d'Angela, ardente et engagée, subjugue son public. Son accompagnatrice, comédienne, reprend en français ce qu'elle a dit en espagnol. Il s'ensuit un échange intense et chaleureux.
Pendant ce temps, Jeanine Gdalia présente une lecture qui réunit Tassos Galatis et Marie-Claire Bancquart avec l'accompagnement musical de Héloïse Dautry à la harpe. Réunion propice quand on connaît l'attachement de Marie-Claire Bancquart à la culture grecque classique et à entendre la place centrale qu'elle occupe dans les textes de Tassos Galatis qui sait tresser subtilement des liens entre elle et la contemporanéité.
À 15 h sur la scène de la Placette (on retiendra cette appellation plutôt que celle de place du Pouffre, ainsi nommée du fait de la présence d'une difforme statue de poulpe. Nous nous souvenons encore de l'indignation réelle et goguenarde de Yves Rouquette, en 2012, quand il dénonçait cette nouvelle identité de la Placette où il est né et qui restera Placette pour tous les Sétois attachés à leur ville), Michel Baglin invite Christophe Corp, directeur de la revue Souffles à présenter le dernier numéro D'un souffle à l'autre en complicité de la publication de l'ouvrage que Kenza Sefrioui a consacré à l'histoire de la revue Souffles fondée par Abdellatif Lâabi et parue au Maroc de 1966 à 1973. Par cette association des deux revues, Christophe Corp exprime un devoir de mémoire pour une parole insoumise des deux côtés de la Méditerranée et veut affirmer un engagement politique de l'écriture. Il a demandé que soit présents d'une part le maire de Grabels qui vient dire son souci d'engager une action pour préserver la Tuilerie de Massane où vécurent durant des décennies le merveilleux Joseph Delteil et son épouse Caroline Dudley, d'autre part le père de Catherine Boudet, jeune femme assignée à résidence pour ses écrits dénonciateurs, sur l'île Maurice, par un régime qui n'a de démocratique que le nom. La comédienne Catherine Jarrett lit un de ses textes.
Reprise entre 16h et 17h , Un poète et son traducteur, avec Aurélia Lassaque interrogée par Kolja Micevic. Venue à la langue occitane sous l'égide de son père, elle a la particularité, d'écrire simultanément, sur deux feuilles de papier, placées côte à côte, en français et en occitan, sans pouvoir dire ensuite quelle langue est l'original . Non qu'elle se traduise simultanément, mais parce qu'elle écrit simultanément dans l'une et l'autre langue.-
Oc dit-elle, c'est oui en occitan, l'occitan est la langue qui dit oui !
À 18 h, le même jour, tout en haut de la ville sur le parvis du lycée Paul Valéry, rencontre avec deux autres inconnus, une Française, Bernadette Engel- Roux et Issa Makhlouf, poète libanais, pour une lecture en écho. L'un rebondissant de façon impromptue sur la lecture de l'autre.
Sortant de la prestation avec Aurélia Lassaque en courant, et vu les lieux haut perchés où nous nous rendons dans la foulée, nous arrivons en retard ; l'heure suivante en est très écourtée, mais la bonté du regard, la sensibilité et l'ouverture d'esprit d'Issa sont flagrantes, tandis que les nuances de l'écriture de Bernadette, et l'émotion qui s'en dégage vont droit au cœur malgré ses difficultés à jouer le jeu des échanges aussi spontanément que son partenaire.
Surprise et cerise sur le gâteau, en fin de lecture, Roula Safar, mezzo-soprano et musicienne, présente dans l'assistance, avec sa fille, chanteuse, et son fils, qui accepte de l'accompagner au tambourin, improvisent un récital de chants et guitare sur ce parvis de lycée.
Jeudi 25, à 11h, rendez-vous, à l'occasion d'un apéritif musical, avec Bernadette Engel-Roux – afin d'en savoir davantage –, Georges Drano, poète, qui la présente et le guitariste de flamenco, Salvador Paterna.
Bernadette, dont on voudrait qu'une émotion inutile ne vienne pas amoindrir les qualités de son écriture, lit de nombreux autres textes, tous de qualité et d'une poésie au demeurant très belle, que nous avons le projet de présenter sur La Pierre et le Sel. Écriture, dont elle dit : « je suis du côté de ceux qui acquiescent tout en n'ignorant rien de la douleur du monde, comme Philippe Jaccottet. Ma préférence va aux poètes de l'éloge et de la célébration. »
Auparavant dans la Grande Rue Haute, une lecture performance a réuni Claude Ber, Claudio Pozzani et Frédérique Wolf-Michaux. Lecture et performance généreuse de la part des trois acteurs qui, chacun à leur tour, mais dans le tissage collectif de cette heure, expriment la force et le mordant des mots dans la recherche de l'emportement.À 12 h se tient la lecture musicale apéritive animée par Bruno Doucey qui reçoit ce jeudi Marie-Claire Bancquart, le Serbe Aleksandar Petrov, accompagnés par Roula Safar. Chaque jour, à cette heure, c'est Bruno qui sait introduire avec la chaleur et la connaissance des poètes qui sont les siennes, ses invités.
Il est amusant d'observer, là comme dans toutes les animations, le comportement des uns et des autres, la désinvolture affichée de certains, l'attention inquiète d'autres, l'autorité de celui-là, l'extrême générosité de celle-ci, la mise en avant d'un troisième quand le syndrome « victor ego » qui frappe parfois les poètes refait surface. Mais nous retiendrons de cette semaine, comme ce fut le cas pour nos deux venues précédentes, la disponibilité de la plupart d'entre eux, la grande simplicité des contacts avec les festivaliers curieux de leur poser des questions ou de leur dire les joies qu'ils éprouvent à les lire et les entendre enfin.
La nouvelle lecture d'Angela Garcia, à 15 heures, intitulée Sieste par sons et par mots, se déroule dans un lieu absolument étouffant, entre trois hauts murs, qui coupent le moindre souffle d'air et réfléchissent la chaleur accumulée par un soleil mordant, mais la qualité des artistes, dont le musicien, Pascal Delalée, qui improvise au violon sur les textes d'Angela, installe un climat exceptionnel, qui force l'éveil, l'attention et l'enthousiasme et non la sieste.
L'un et l'autre s'écoutent et se renvoient la balle avec une émotion palpable , que partage le public. À la fin du récital, Angela dira de façon touchante au musicien : « je voudrais t'adopter ! »
À l'occasion de cette rencontre, s'exprimant parfaitement en français, Angela confie ceci : « Chaque visage cache un drame, je l'ai constaté ici avec des poètes de Palestine, du Liban, de Syrie. Il en est de même de mon pays. Vous, en Europe, vous ressentez ce drame cérébralement, nous autres le vivons dans la chair. »
Quelques jours plus tard, à l'occasion d'une autre présentation de son écriture, Angela dira : « il y a entre les poètes une communication souterraine, une connaissance d'une humanité nue et une richesse des atmosphères intérieures, marquées par la religion de chacun, où l'on cherche la trace de l'essentiel et se regarde de façon plus naturelle. » Je doute que toutes les nuances de ces propos adressés à deux autres poètes, originaires du sultanat d'Oman, présentés en même temps qu'elle, aient été correctement transcrites, quand on connaît la présentatrice du jour, Catherine Farhi, dont il est dommageable qu'elle n'assure pas une animation de qualité et conduise tant par des réflexions à l'invité qu'au public, que par son comportement désinvolte, à dévaluer les séquences qu'elle dirige.
Nous retrouvons à 17 heures, Grande Rue Haute, Gérard Meudal et Georges Drano, pour une rencontre amicale et riche sur le thème d'Un poète, un livre .
Le très modeste Georges Drano se livre peu à peu et parle des combats menés pour sauver des zones rurales menacées, où s'est déroulée sa carrière d'enseignant. Il évoque aussi, à l'invitation de Georges Meudal, son entrée en poésie, dont il dit : « on n'apprend pas à écrire de la poésie et pas plus dans les ateliers d'écriture. On apprend ou on vient à la poésie en écoutant ou se nourrissant de la poésie des autres. Les autres étant des lanceurs en quelque sorte. »Convié par G.Meudal, il raconte ses autres engagements politiques et écologiques quand il s'agissait de défendre les marais salants de Guérande, humanitaires et lointains, au Burkina-Faso en particulier. Sa poésie, si simplement humaine et engagée, fera l'objet d'un article sur ce blogue.
Une seconde rencontre avec Yves Namur suit. Catherine Pont-Humbert, qui l'interroge, lui demande: « où se glisse dans vos heures le temps de la poésie ? » Question à laquelle il répond : « le temps de la poésie sur le cahier aquarelle importe peu. Je sais de quoi sera fait, sans écrire, un livre prochain. Le temps qui reste est resté à l'écoute de l'autre par mon métier. Beaucoup de livres sont sur le questionnement et le doute, tel que doit-être le médecin, un homme qui doute. Ce qui importe c'est d'aller à l'intérieur des choses, quête essentielle et inachevée »
Plus tard, interrogé sur sa ligne éditoriale, au Taillis Pré, il répond : je n'en ai pas, c'est « une levée de cœur », je publie des choses différentes de mon écriture. Je ne suis pas éditeur à temps plein et ne prétends pas faire correctement mon travail d'éditeur ; je me permets de publier tout ce que je trouve beau.
Le lendemain, vendredi 26 juillet, à 12h, rue des Trois Journées - il est vrai que nos journées sont parfois triples ou quadruples -, l'italien Carlo Bordini, déjà rencontré, lit en alternance avec Bernadette Engel-Roux, accompagnés d'improvisations vocales de Frédérique Wolf-Michaux. Il s'ensuit un étonnant moment, le registre de cette chanteuse et musicienne lui permettant de passer de l'aigu au grave et d'émettre des sons sauvages et inattendus, traduisant parfaitement son ressenti poétique.
Le même jour, à 16 heures, sur le parvis de l'église Saint Louis, deux poètes espagnols, Alicia Martinez et Noni Benegas, lors d'une rencontre intitulée Poète en son pays, vont tenter de répondre à leur manière à la question : Que signifie être poète aujourd'hui en Espagne ?
L'une semble plus âgée et plus pondérée que l'autre, mais toutes deux sont très véhémentes et engagées. Alicia, poète et comédienne, créatrice d'un festival de poésie à Valence, se produit dans des tournois de slam et va représenter Les Voix Vives à Tolède, en septembre prochain.
Georges Drano les interroge sur leur ressenti de la crise économique en Espagne, en tant que poètes.
Noni Benegas, qui s'exprime parfaitement en français, répond que leur passion peut se passer de subventions, les vraies passions s'exprimant sans subventions. Alicia dit qu'on utilise la crise pour saper des manifestations culturelles et les supprimer ; mais qu'il est difficile de corseter la culture, elle s'échappe comme la force qui vient d'en bas. La chair fait craquer les lacets du corset.
Noni précise que l'Espagne est en pleine explosion culturelle. L'âge moyen des poètes est plus bas qu'en France. Beaucoup de jeunes, nés en démocratie, se manifestent. L'une comme l'autre manient à la perfection un humour noir et mordant vis-à-vis du régime en place. Alicia ne s'embarrasse ni de sentiments ni de formes, fait remarquer leur interlocuteur, Georges Drano, ce à quoi Alicia répond : « j'ai une poésie très sentimentale. La poésie doit accompagner les gens, la présence constante de l'artiste, qui reste au contact, a pour rôle de rendre visible ce qu'il voit en essayant de les comprendre. Je pense que la poésie peut être une arme qui peut changer le monde. » Noni de son côté ajoute : « je suis plus vieille et je continue à célébrer. On voit que les choses se répètent et qu'on commet toujours les mêmes erreurs historiques. On choisit les strates les plus cruelles et on y découvre notre stupidité. » Elle lit alors Los stratos, qui débute par : « ce n'est pas que tu écrives toujours la même chose... »
L'entretien est original et passionnant. L'une, Noni, a vécu en Amérique Latine et possède la double nationalité, elle a été traduite chez Al Manar, les recueils d'Alicia par contre ne se trouvent encore qu'en espagnol. Deux poètes à ne pas manquer de suivre.
Juste après, ce même jour, un hommage est rendu à Maria Mercè Marçal, traduite et publiée, ce printemps, par les éditions Bruno Doucey, dans un recueil intitulé Trois fois rebelle, qui a fait l'objet d'un précédent article sur La Pierre et le Sel. Aurélia Lassaque lit le texte en catalan, Bruno Doucey la version française, Jean-Luc Pouliquen est chargé de les interroger. Le lieu où se déroule cette rencontre est le plus beau de tous, il s'agit d'une terrasse panoramique ouvrant sur l'entrée du port et la Méditerranée et vaut à lui seul le détour. Il a d'ailleurs fait la couverture du programme du festival, cette année.
À la même heure, carte blanche Musique a capriccio est laissée à Frédérique Wolf-Michaud qui, après une présentation enthousiaste de Claude Ber, exprime toute la palette de ses talents vocaux du parlé au chanté, dans un répertoire aux multiples sources et par des improvisations déjà évoquées plus haut
C'est ensuite le temps de rejoindre l'abri du grand charme du jardin du Château d'eau où lisent Françoise Ascal et la poète d'Arabie Saoudite, Huda Aldaghfag. C'est un plaisir et une satisfaction que d'entendre cette dernière exprimer dans ses textes la condition des femmes dans sa culture et les revendications qui sont les leurs.
La journée se termine dans le bas du jardin du Château d'eau avec un spectacle poétique ouvert à tous en hommage à Pablo Neruda, décédé il y aura quarante ans, en septembre.
Samedi 27 juillet, dernier jour du festival. La lecture musicale apéritive, dans la Grande Rue Haute, nous réunit une dernière fois autour des invités, deux Français, Françoise Ascal et Jean Poncet, et de l'Égyptien Mohab Nasr, accompagnés au luth par le Marocain Khalid Badaoui, et présentés par Bruno Doucey. Ces rencontres quotidiennes furent particulièrement ouvertes, cosmopolites et conviviales.
Tandis
que tu joues
Quel petit dieu musicien
Nous observe
À
travers
Les trois yeux de ton luth
Ces moucharabiehs de miel
Maintenant
je le sais
Il s'agit d'un dieu-chanteur
Dont nous
reprenons
Joyeusement le refrain
En chœur
Roselyne écrira ce petit texte pendant cette présentation, fascinée qu'elle était par le jeu du musicien sur son luth. Cette dernière lecture apéritive donne l'occasion à Bruno Doucey de dire combien l’œuvre de Françoise Ascal relève d'une haute exigence esthétique et devient importante bien qu'elle se construise dans la discrétion. Jean Poncet lit des séries de ses propres textes et a la générosité de lire quelques textes d'autres auteurs, geste d'autant plus remarquable que rare.
La rencontre suivante, à 15h, a lieu sur la Placette, animée comme chaque jour par Michel Baglin, qui reçoit Andréa et Dominique Iacovella, créateurs des éditions La Rumeur Libre, qui ont publié l’œuvre complète de Patrick Laupin, qui sera bientôt présenté sur le blogue. Cette maison d'édition n'a d'autre ambition, affirment ses créateurs que de donner à lire des auteurs qu'ils aiment et dont ils ne veulent pas qu'ils soient oubliés. Très petite structure, à l'instar de beaucoup d'autres dans le domaine de l'édition poétique, elle est l’œuvre de passionnés. Dominique y a mis son expérience professionnelle, Andrea, qui dirige durant la semaine une grande école d'ingénieurs en informatique à Paris, retrouve sa casquette d'éditeur et d'auteur le week-end. Il sépare les deux activités s'interrogeant cependant quand l'art devient virtuel dans le numérique. Mais c'est la poétique du matériau dématérialisé qui l'intéresse.Une dernière rencontre avec Angela Garcia a lieu à 16h, suivie, dès 17h sur la Placette, d'une présentation des éditions du Tanka francophone dirigées par Patrick Simon, suivie d'une table ronde sur le thème du haïku, du tanka et du haîbum, formes d'écriture qui ont le vent en poupe et rencontrent de plus en plus d'adeptes.
Y participent, outre Patrick Simon, Martine Gonfalone-Modigliani et Françoise Lonquéty, qui donnera lecture du dernier recueil de Valérie Rivoallon, J'haïkuse et des Haïkus Marins de Danièle Duteil.
Comme Françoise Lonquety, Valérie fréquente assidûment, à Paris, les rencontres mensuelles animées par Daniel Py autour du haïku, qui ont fait l'objet d'un article sur ce blogue.
Pendant ce temps, c'est toute la finesse et l'amplitude du jeu de la harpe qu'exprime Héloïse Dautry durant une heure en compagnie d'un de ses amis à la guitare. De nouveau un Musique a capriccio qui offre des chants anciens comme les chansons de Nougaro ou le Jardin d'hiver de Henri Salvador.
Il faut enchaîner, en courant, pour assister à Pleins Feux sur… Carlo Bordini, présenté à 18h par Catherine Pont-Humbert, dans les jardins privés de la rue du Génie. C'est une deuxième rencontre, hélas écourtée par la distance, mais l'humour et la modestie de ce poète, peu traduit en France, sont intacts.
Est-il besoin de préciser que nous repartons de Sète et de son festival avec une valise de nouveaux recueils poétiques !
Il reste à assister à 21 h 30 à la soirée de clôture du festival, qui réunit encore nombre d'artistes et poètes présents.
Le rythme intense de ces journées, vécues avec passion et au contact de nombre de poètes, nous vaut un profond sentiment de nostalgie au moment de boucler nos bagages, mais c'est là que se nourrit la passion pour les textes que nous lirons ensuite, que se précisent à la fois les limites de cet univers et la nécessité de reconduire la poésie dans la société tout entière.
Internet
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Le site du festival Voix Vives de méditerranée en méditerranée
Contribution de Roselyne Fritel et PPierre Kobel
Formidable article qui permet de vivre comme si l'on y était ce festival si riche . Le texte, les photos, les impressions, la chaleur du propos et celle du climat rendue par l'évocation de la marche sous le soleil, tout contribue à ce que nous marchions avec vous au travers des mots et des rues. Alors un grand MERCI pour cet article, vraiment très beaucoup...
Amitiés sincères et plein de bises.
Laurence Bouvet.
Rédigé par : laurence bouvet | 02 septembre 2013 à 14:12