Jean Arp, né à Strasbourg en 1886 dans une famille de commerçants était peintre, sculpteur et poète franco- allemand.
Après des études d’art décoratif à Paris et Weimar, il s’intéresse à la poésie, et devient en 1916 un des fondateurs, avec Tzara, du mouvement Dada.
Les pierres domestiques
les pierres sont des entrailles
bravo bravo
les pierres sont des troncs d'air
les pierres sont des branches d'eau
sur la pierre qui prend place de la bouche
pousse une arête
bravo
une voix de pierre
est tête à tête
et pied à pied
avec un regard de pierre les pierres sont tourmentées comme la chair
les pierres sont des nuages
car leur deuxième nature
danse sur leur troisième nez
bravo bravo
quand les pierres se grattent
les ongles poussent aux racines
les pierres ont des oreilles
pour manger l'heure exacte
sur le nuage qui prend place de la tête
pousse un nez naturel
les ongles des regards grattent les racines de la nature
des pierres poussent et dansent sur les nuages
bravo bravo
les oreilles poussent aux racines
la troisième pierre mange de la chair d'air
la deuxième pierre mange des pieds
bravo bravo bravissimo les arêtes ont une voie d'eau
quand les pieds dansent sur les têtes les ongles poussent aux pierres
les heures se grattent
bravo
les entrailles sont des racines
les pierres sont des têtes
la nature est exacte
les pieds qui dansent sur les branches de chair
ont un regard tourmenté
un regard d'entrailles d'heure
sur la place de la nature pousse un pied
bravo bravo bravo bravo
les oreilles les nez les bouches les têtes les pieds sont des pierres
In La poésie surréaliste, Poèmes 1917/1935 © Seghers, 1970 p 36
****
L’âge vit de cheveu en cheveu
l'âge vit de cheveu en cheveu
à travers l'air devenu orphelin
il vit comme un œuf
qui couve un fruit
sur une corde tendue entre deux ailes
l'air a l'âge des ailes
les fruits naissent des ailes
les feuilles des ailes saignent
sur les trames de l'air
Ibid p 38
Il réalise de nombreuses œuvres plastiques en collaboration avec Sophie Taeuber, qu’il épouse en 1922.
À partir de 1926, il est proche des surréalistes, avec des œuvres plastiques et poétiques.
Son épouse meurt tragiquement en 1943, au cours d’un voyage à Zurich, où le couple s’est réfugié pour fuir les Allemands.
Après la guerre, il participe à des nombreuses expositions. Il est internationalement reconnu et reçoit de nombreux prix, dont le Grand Prix international des Arts en 1963.
Il meurt à Bâle en Suisse en 1966.
Les saisons leurs astérisques et leurs pions
tu es bien bleu mon printemps
tu ne t'es pas mal servi
tant pis pour l'été s'il n'y trouve pas son compte
les perruques vertes sonnent
quelle heure est-il
c'est l'été moins le quart
les étoiles ouvrent le lacet de leur corsage
et dénouent leurs rosés lascives
les aiguilles des jours montrent juillet
voilà de nouveau l'hiver qui arrive trop tard
il porte en bandoulière un homme pâle comme la neige
qui a succombé à la suite des étés quotidiens de l'hiver
trop d'étés rendent même le carré rond
tous les lundis il fait hiver
l'hiver scie le blanc du noir en deux
et laisse attaquer chaque partie séparément par une bonne
lame
pendant que le maître de céans dort sur ses racines parfumées
la panoplie qui surgit du café noir ne le réveille pas
ni la neige qui tombe cette année si tôt
sur les lutins renfrognés
quand les mailles des seins éclatent
et les jours fixes ouvrent leurs robinets
pour laisser jaillir les flots des feuilles humaines
nous sommes redevenus tout petits
et suivons les cortèges des fourmis en deuil
avec une torche dans la main
et une souris dans la bouche
sous les parapluies de chiffres
la nourriture crucifiée a vaguement la forme de l'automne
Ibid p 38
****
Poux fardés
la danse des étoiles nues et fardées fait rougir les testaments
les cordons ombilicaux des testaments se terminent en berlingots psychiques
les sous cuits et carrés transportent sur leur queue les orages d'ail
les bateaux transportent les initiales
les voitures fardées transportent les bateaux fardés
les étoiles portent leur alliance à leur queue le cordon
ombilical des étoiles se termine en berlingot psychique
les sous cuits et carrés aboient
les belvédères ruminent
les danses psychiques font rougir les poux
les sous fardés transportent les initiales fardées
les voitures fardées transportent les bateaux parfumés
un pou aboie sur une étoile
dans les alliances circule du sang de ruminant
les étoiles aboient
les sous les bateaux et les voitures transportent les étoiles parfumées et fardées
les initiales rougissent
les étoiles et les orages dansent dans les belvédères parfumés
les sous rougissent
les ruminants dansent avec les étoiles d'ail
Ibid p 39
****
Une goutte d’homme
une goutte d'homme
un rien de femme
achèvent la beauté du bouquet d'os
c'est l'heure de l'aubade
dans la fourrure de feu
le vent arrive sur ses quatre plantes
comme le cheval sur ses quatre roues
l'espace a un parfum vertical
l'espace a un parfum vertical
le vent arrive sur ses quatre plantes
comme le cheval sur ses quatre roues
c'est l'heure de l'aubade
dans la fourrure de feu
une goutte d'homme
un rien de femme
achèvent la beauté du bouquet d'os
Ibid p 40
Bibliographie
-
L’Ange et la Rose, Forcalquier, © Robert Morel, 1965, trad. Maxime Alexandre.
-
Logbuch, trad. Aimée Bleikasten, édition bilingue, Paris, © Éditions Arfuyen, 1983,
-
Sable de lune, trad. Aimée Bleikasten, édition bilingue, Paris, © Éditions Arfuyen, 2005, Prix du Patrimoine Nathan Katz.
Internet
-
Sur le site du Centre G. Pompidou, l'œuvre picturale de Arp.
-
Le site de la fondation Arp à Clamart
- Sur le site Artsy (en anglais), une iconographie importante
-
Sur evene.fr, une biographie.
-
Un entretien vidéo entre J.M. Dreux et J. Arp.
Contribution de Jean Gédéon
Commentaires