Contre-Allées, revue papier créée en 1998, en Auvergne, par une équipe de jeunes poètes trentenaires, affiche un renouveau vivifiant parmi les revues de poésie contemporaine, avec une facture élégante et très soignée, un ton particulier et un choix d’auteurs exigeant : « Ni concept tournant à vide / Ni lyrisme pathétique et routinier ».
Ses deux rédacteurs en chef et créateurs de la revue, Amandine Marembert et Romain Fustier affirment: « Nous ne nous résolvons pas à un raisonnement binaire : nous voulons une poésie subjective ET expérimentale. C’est peut-être là que se situe la vraie nouveauté » ou encore :
« Innovons. Empruntons les contre-allées. Peut-être aurons-nous alors cette chance unique de comprendre, de penser et de mettre la révolte en mots ».
On sent que cette jeune équipe souhaite ne pas se laisser endormir par les discours lénifiants de la société marchande et utiliser la poésie qui s’écrit aujourd’hui comme une arme de dissuasion, sinon massive ou, du moins, à effet retard…
Chaque numéro, à parution annuelle, est livré avec environ 120 à 140 pages, chaque auteur retenu bénéficiant, selon les cas, de trois à quinze pages, avec une mention particulière, en exergue, pour un poète notoire, tel, par exemple, que Ariane Dreyfus, Yvon Le Men, ou Jacques Ancet.
En fin de numéro, on trouve un ensemble copieux de notes de lecture sur des recueils ou des revues et, depuis 2011, une nouvelle rubrique sous forme d’une question posée à quatre poètes. Celle posée dans le numéro 29/30 à Patricia Cottron-Daubigné, Antoine Emaz, Étienne Paulin, et Jasmine Viguier, était la suivante : « C’est la vibration du mot ou la secousse de la vie qui fait marcher la main sur la page ? »
Chacun, à sa manière, rend compte du travail qui sépare le premier jet du poème fini, entre vibration d’origine, émotion, rythme et musique des mots.
Il est important, par ailleurs, qu’à travers les mots d’une revue, souffle le vent de la poésie face à la société sonnante et peut-être, un jour, trébuchante, des marchands d’amulettes.
Dans son éditorial, du numéro 29/30, Amandine Marembert, indique bien quelle direction, elle entend donner à la revue :
« Il est plus que jamais l’heure d’écouter ce que les poètes ont à nous dire, vous le savez bien. Quand tout est en crise, seuls les mots qui se jouent de la communication, ceux qui nous dérangent, nous bousculent peuvent aider à réfléchir, à ressentir le monde.
Les poètes détiennent la parole lucide, l’évidence des mots. Quand ils évoquent le social, leur écriture dit mieux que personne ce qui se passe, ce que la société veut faire des femmes, des hommes et des enfants. Bien sûr, je pense pour ne citer qu’eux, dans les livres récemment publiés à Moujik, moujik de Sophie G. Lucas (éditions les États Civils) et à Croquis-démolition de Patricia Cottron-Daubigné (éditions La Différence).
Quand on n’a plus ou si peu d’espoir, quand on ne sait pas ce qu’il adviendra de nous dans une décennie à peine, quand on a de moins en moins d’argent pour vivre – le minimum vital – parce qu’on paupérise les gens, restent les mots – bien immatériel – pour nous accompagner. Jean-Marie Gustave Le Clézio raconte, dans son « Discours de réception du Prix Nobel de Littérature » du 7 décembre 2008, comment il a compris, enfant, grâce à la bibliothèque de son père, « que les livres sont un trésor plus précieux que les biens immeubles ou les comptes en banque ». Parce que la pensée, on ne vous la prendra pas. Parce qu’on résistera aux boîtes à images, au prêt-à-porter de la réflexion…/… »
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Contribution de Jean Gédéon
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