Territoire de la peur, tel est le titre du recueil de textes de Panero publié à l'Oreille du Loup en 2011. Le poète espagnol Leopoldo Maria Panero est mort le 5 mars 2014 après une existence en grande part traversée par la psychiatrie. C'est une écriture certes douloureuse et brutale, mais d'une grande force, propre à nous rappeler les limites de ce que nous croyons être notre normalité, une écriture qui nous conduit à des interrogations parfois trop enfouies dans la crainte de nous-mêmes.
Le mal naît de la suppression hypocrite de la jouissance
Un cafard parcourt le jardin humide
de ma chambre et circule entre les bouteilles vides :
je le regarde dans les yeux et je vois tes deux yeux
bleus, ma mère.
Et elle chante, tu chantes pour les nuits pareilles à la folie,
tu veilles
avec ta malédiction pour que je ne tombe pas dans le sommeil,
pour que je ne m'oublie pas
et sois réveillé pour toujours face à tes deux yeux,
ma mère.
In Territoire de la peur, © L'Oreille du Loup, 2011, p.27
Traduction de Stéphane Chaumet
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Territoire de la peur
Elle est seule l'araignée dans la toile de la peur
elle est seule et elle lutte contre les étoiles de la peur
et elle chante, chante l'araignée des chansons à la peur
qui disent par exemple : la peur est une
femme qui marche pieds nus dans la neige
dans la neige de la peur, priant, réclamant à Dieu à genoux
qu'il n'y ait pas de sens, et que
marche la mort dans les rues
toute nue, offrant son sexe et ses mains pour
nous accompagner dans la Peur.
Ibid, p.33
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En enfer
Je suis l'homme qui va mourir dans le lac
je suis l'homme-cerf qui habite et meurt dans le lac
et ne me cherchez plus, puisque je suis le cerf,
l'animal le plus beau qui existe
le cerf de la folie :
je suis le tigre
l'animal le plus beau de la nuit : je suis le Diable
qui dirige le mouvement incessant des bouches
dans la putréfaction de l'enfer
dans le papier qui est pur enfer,
dans le lac atroce des cerfs
qui se contemplent doucement
SANS YEUX.
Ibid, p.111
Internet
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Wikipedia, un article qui renvoie à ce qui est disponible sur l'auteur
Contribution de PPierre Kobel
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