UNE LUCARNE SUR LE MONDE
Jacques Josse est un écrivain qui bourlingue à travers la mémoire, quelque part entre un réel autobiographique et l’imaginaire. Son écriture a le pouvoir singulier de nous faire vivre presque réellement les lieux qu’il évoque. Le livre à peine ouvert, vous êtes pris aussitôt dans le roulis, recevant les phrases en plein visage, par paquets de vagues, mâchant l’écume et son arrière-goût de naufrage. Car ce poète sait mieux qu’un autre chanter la mer et la mort, pas celle qui se tait, mais celle qui parle. Pour Jacques Josse, les morts sont vivants, et c’est la parole qui les fait vivre, qui jette tous ces « éclopés de l’âme » sur les chemins de la mémoire.
Dans « Liscorno », son dernier livre, il nous restitue des fragments de sa jeunesse dans un hameau des Côtes-d’Armor. Dès les premiers mots jetés sur la page, ce petit territoire, que l’on pourrait croire perdu, vous avale. Vous êtes dedans, et vous n’êtes pas loin de penser que vous avez toujours vécu là. Jacques Josse a un tel sens de la description qu’il réussit à vous faire reconnaître des lieux où pourtant vous n’êtes jamais venu ! Vous marchez avec lui, vous voyez, vous écoutez et même vous humez avec lui, surtout ce vent d’ouest qui, certains soirs, vous monte à la tête. Il vous fait rencontrer des personnages singuliers, parfois morts depuis longtemps, mais qu’il ressuscite, dont il anime les ombres au fil de la phrase. L’évocation devient touchante, à la fois pudique et tendre, quand il parle du père qui aurait voulu être marin, ou du grand-père, l’ancien capitaine puis pilote du port de Brest.
Et puis il y a cette respiration qui vient du large. À partir de son hameau, Jacques Josse vous fait voyager avec les écrivains qu’il aime et qui l’ont aidé à donner un sens à sa vie. Ils s’appellent Corbière, Kerouac, Snyder, London, Celan, Genet, Ginsberg, Hrabal et quelques autres. Il a ramené ces livres dans sa mansarde. Dehors, la tempête souffle. Il entend la mer au loin et au-dedans toutes ces voix, y compris la sienne, qui montent au fil de ses lectures. Ce n’est plus bientôt qu’un seul vent qui l’emporte vers des horizons nouveaux, vers une terre de poésie.
À Liscorno, humble hameau de Bretagne, la lucarne de la mansarde s’ouvre sur l’univers.
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Contribution de Alain Roussel
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