René Char
Le bouge de l’historien
La pyramide des martyrs obsède la terre.
Onze hivers tu auras renoncé au quantième de l’espérance, à la respiration de ton fer rouge, en d’atroces performances psychiques. Comète tuée net tu auras barré sanglant la nuit de ton époque. Interdiction de croire tienne cette page d’où tu prenais élan pour te soustraire à la géante torpeur d’épine du Monstre, à son contentieux de massacreurs.
Misère de la murène ! Miroir du vomito ! Purin d’un feu plat tendu par l’ennemi !
Dure, afin de pouvoir encore mieux aimer un jour ce que tes mains d’autrefois n’avaient fait qu’effleurer sous l’olivier trop jeune.
In Seuls demeurent
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Maram al-Masri
Sur les tempes
de points transparents se multiplient
les veines se gonflent et battent.
Le métal froid
vient de s’y poser.
La chaleur du corps ne l’empêche pas
d’appuyer sur la gâchette
aveugle de la haine.
Le tueur filme la scène
fièrement.
In Elle va nue la liberté, Éditions Bruno Doucey, 2013
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Estienne Jodelle
Comme un qui s’est perdu dans la forest profonde
Loing de chemin, d’oree, et d’adresse, et de gens :
Comme un qui en la mer grosse d’horribles vens,
Se voit presque engloutir des grans vagues de l’onde :
Comme un qui erre aux champs, lors que la nuict au monde
Ravit toute clarté, j’avois perdu long temps
Voye, route, et lumiere, et presque avec le sens ;
Perdu long temps l’object, ou plus mon heur se fonde.
Mais comme on voit, (ayans ces maux fini leur tour)
Aux bois, en mer, aux champs, le bout, le port, le jour,
Ce bien present plus grand que son mal on vient croire.
Moy donc qui ay tout tel en vostre absence esté,
J’oublie en revoyant vostre heureuse clarté,
Forest, tourmente, et nuict, longue, orageuse, et noire.
In Œuvres
Contribution de PPierre Kobel
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