David Diop n'a jamais publié ce qui devait être son deuxième recueil. Ses écrits à venir disparaissent avec lui, au large des côtes du Sénégal dans un accident d'avion le 29 août 1960. Il est né le 9 juillet 1927 à Bordeaux, d'un père sénégalais et d'une mère camerounaise.
Orphelin de père, fragile de santé, il se découvre une passion pour la littérature et commence à écrire.
Au cours de ses études, Léopold Sédar Senghor est un de ses professeurs. Après avoir obtenu sa licence, il part pour le Sénégal où il enseigne.
En 1956 paraît Coups de pilon qui sera son unique recueil. C'est à la fois un cri de révolte contre le colonialisme et contre ses méfaits et une revendication du droit à la différence, à la « reconnaissance » par l’Autre. C’est de la poésie militante, du moins engagée. Ses textes seront publiés par Présence Africaine et Senghor y fera une place dans son Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française
Afrique
À ma mère
Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales
Afrique que chante ma grand-mère
Au bord de son fleuve lointain
Je ne t'ai jamais connue
Mais mon regard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à travers les champs répandu
Le sang de ta sueur
La sueur de ton travail
Le travail de l'esclavage
L'esclavage de tes enfants
Afrique dis-moi Afrique
Est-ce donc toi ce dos qui se courbe
Et se couche sous le poids de l'humilité
Ce dos tremblant à zébrures rouges
Qui dit oui au fouet sur les routes de midi
Alors gravement une voix me répondit
Fils impétueux cet arbre robuste et jeune
Cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs
Blanches et fanées
C'est l'Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L'amère saveur de la liberté.
Coups de pilon, © Présence africaine, 1973
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Le monde
Charmant vieillard assis au soleil,
Tu regardes passer les gens
Comme dans ton cœur tu vois passer les ans.
Cher grand-père qui ne demande qu'à mourir,
Est-ce la méchanceté de ce monde qui te pousse ?
Tu ne comprendras jamais pourquoi ici-bas
La seule préoccupation des hommes est de s'entretuer.
Est-ce tellement leur faute ?
Depuis qu'Adam et Ève furent chassés du paradis,
Nous subissons toutes les conséquences de cet acte.
Mais toi, grand-père, as-tu vraiment le droit de te plaindre ?
Tu as vu le soleil se lever à l'horizon,
Tu as vu la fleur s'épanouir à la lumière,
Tu as vu le crépuscule bercer tes illusions,
Maintenant pour toi tombe la nuit.
Quant à moi je me réveille seulement à la vie,
Et la lumière et le crépuscule me font croire
À la bonté encore possible dans ce monde.
Montpellier, le 16 janvier 1956
Coups de pilon, © Présence africaine, 1973
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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