En 2012, les éditions Chandeigne publiaient une indispensable anthologie de La poésie du Brésil du XVIe au XXe siècle, à laquelle nous consacrions un article en décembre 2012. Présentée et traduite par Max de Carvalho, cette anthologie se veut « une invitation à un voyage sensoriel, à la célébration d’une démesure propre au Brésil. C’est une brassée de poèmes rythmée par la splendeur des paysages, un catalogue émerveillé exaltant la saveur de l’île Brésil à travers ses fruits, sa flore, sa faune, sa toponymie scandée de noms indiens, etc. » ainsi qu’il est écrit en dos de couverture.
Alexandre de Gusmão (1695-1753) est surtout connu comme homme politique. Il est de par son action, un des principaux fondateurs de l’identité géographique du Brésil.
Ode
Sans suspendre son vol
Ni jamais revenir, inlassable
Le Temps recule, et qui en son
Jeune âge ne s’adonne aux plaisirs,
Plus tard amer devra pleurer
Le bien perdu et son mal sans remède.
L’abeille au printemps
De fleur en fleur butine,
Préparant un miel doux et la cire flexible.
Elle profite des faveurs de la belle saison
Avant que l’Été, qui tout consume,
N’embrase la campagne, asséchant les cours d’eau.
Dans les greniers scellés des moissons d’or,
En diligentes processions les fourmis
Font provision de ces épis
D’un blé très blond, et, sans répit
S’en vont remplir leurs celliers souterrains,
Avant que le glacial Janvier et ses frimas n’arrivent.
En toute chose, belle Marilia, la Nature
Nous fait voir
Qu’il faut jouir à son gré
De l’insouciance du Temps ;
Nous sommes nés pour le plaisir,
Aussi passons nos jours au milieu d’eux,
Pour plus féroce qu’il soit le fauve
Sur les monts escarpés
Et les oiseaux dans la ramée
Connaissent bien cette loi :
Ils passent leur temps
En douce compagnie,
Sans perdre un seul instant.
Les tendres tourterelles, figurant
Cet amour
Tantôt s’ébouriffant échangent des baisers,
Tantôt s’abandonnant à l’ardeur du désir
Vont faire… mais qui l’ignore ?
Ce que l’amour commande à ceux-là qui s’adorent.
Regarde, belle Marilia, comme la Nature,
En te montrant leurs tendres diversions,
Te livre le secret de ces plaisirs d’amour
Si doux au cœur sensible : l’amour est cette
Passion qu’entre toutes il préfère.
Qui refuse d’aimer contredit la Nature.
Marilia, tu le sais, tu sais bien que je t’aime,
Que ton nom que j’appelle
Est inscrit dans mon cœur,
Et que pour toi je vis sous le joug de l’Amour ;
Viens donc t’unir à moi, ô viens, viens maintenant,
Nous ferons à l’amour un asile enchanteur.
Viens, le voici, il s’ouvre
Entre mes bras ;
Souviens-toi, le temps fuit, il s’envole
Nul n’en arrête le cours ; viens par ici, viens près de moi,
Afin qu’ensemble nous formions comme
Une vivante image des petites tourterelles.
In La poésie du Brésil, Traduction Max de Carvalho, © Chandeigne, 2012, p.141
Contribution de PPierre Kobel
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