En 2013, dans un article de Libération, Françoise Siri se joignait à celles et ceux qui protestèrent contre la réduction drastique des subventions du ministère de l’Éducation au Printemps des Poètes. Journaliste et passeuse de poètes, elle n’en a pas moins conservé sa passion pour la poésie dont elle dresse aujourd’hui un panorama via une enquête auprès d’une trentaine d’écrivains.
Rien de l’analyse de texte ou d’universitaire dans son propos. Aucun appesantissement sur le formalisme des écritures. Il s’agit là de donner à entendre la voix des poètes dans leur diversité d’âge et de cheminement, du centenaire Georges-Emmanuel Clancier aux plus jeunes nées dans les années 80.
Au-delà de cette diversité, ce qui ressort de cet ensemble de portraits et d’entretiens, c’est la dynamique d’ensemble de la création poétique. Retenons quelques propos glanés au fil des pages :
« La poésie manifeste au fond une forme de confiance dans le fait que la communication profonde entre les êtres est possible. C’est en cela qu’elle reste vitale ! » Michel Baglin
« La langue de la poésie se réinvente dans l’écart, dans l’entre-deux cultures. » Adeline Baldacchino
« Le poète – même s’il prend la distance nécessaire – est un acteur de la vie, du quotidien. Il agit. Il voit. Il pense. Il traduit la démesure et l’horreur, la beauté et la faille. Écrire c’est résister. » Jeanine Baude
« Pas de poésie sans mémoire de la poésie. Pas de mémoire sans ressourcement dans la poésie. […] La poésie est une bouche qu’on ne peut bâillonner. » Charles Dobzynski
« On peut toujours essayer de se transformer, et la poésie dans la littérature, comme l’âme dans la langue, est la plus apte à nous aider. » Guy Goffette
« Notre métier à nous, les écrivains, c’est de changer le rapport de force en rapport d’amour. » Werner Lambersy
« La poésie est le nerf de la vie » Jean Métellus
« La poésie peut témoigner : dire qu’il y a autre chose que le commerce, qu’il y a de l’humain. » Roland Nadaus
« La poésie a cette fonction essentielle, dans sa subversion, de changer le regard sur le monde et de rendre illimitées nos perceptions. C’est la clé de la réhumanisation. » Jean-Pierre Siméon
Dynamique et confiance en la langue poétique pour ne pas démissionner de notre humanité. Il y a dans la démarche de Françoise Siri et dans le propos de ses interlocuteurs, une profonde empathie au monde que la poésie nourrit, traduit et engage.
Parmi les poètes présents dans ce panorama, François Cheng. En parallèle, Françoise Siri a eu avec lui des entretiens pour l’émission À voix nue sur France-Culture et ces entretiens, enrichis, sont publiés par Albin Michel. Là encore, c’est une parole d’espérance qui est délivrée. François Cheng, au soir de son existence, n’en oublie aucune des parts, mais a atteint un degré de sagesse utile à chacun. « Aujourd’hui, l’écrivain pense que rien n’est jamais perdu, que tout se rejoue, que toutes nos émotions, nos joies, nos souffrances nourrissent la rythmique de l’univers et qu’une vie de souffrance se revivra en nuit d’amour […] que nous retrouvons dans sa poésie. » écrit Françoise Siri à son propos. Et François Cheng lui disait ailleurs, pour la revue Phénix : « nous sommes des êtres de faim et de soif, à jamais insatisfaits, c’est ce désir infini qui nous porte et nous fait participer à l’éternité ; telle est la voie de la vraie vie. »
Certes la poésie a encore beaucoup à gagner pour devenir lisible dans une société qui lui préfère la consommation d’une culture prêt-à-porter, uniformisée et impropre à la réflexion et à l’enrichissement de soi. Les deux livres de Françoise Siri sont des pierres utiles qui, comme l’écrit Jean-Pierre Siméon en avant-propos, nous rappellent « contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, que les poètes sont ici et maintenant bien présents parmi nous dans la cité. »
Bibliographie partielle
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Françoise Siri, Le panorama des poètes, © Lemieux, 2015
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François Cheng, Entretiens avec Françoise Siri, © Albin Michel, 2015
Internet
Contribution de PPierre Kobel