Peter Bakowski est en France où il n’est pas connu jusqu’à maintenant. Nouvelle page de la poésie ? Certes non, mais un grand coup de fraîcheur que ce recueil de textes qui paraît chez Bruno Doucey et donne à lire dans la traduction de Pierre Riant et Mireille Vignol des poèmes écrits de 1995 à 2014. Une poésie née de la rencontre avec les poètes de la Beat Generation quand Peter Bakowski voyagea aux États-Unis en 1983. Il retient leur leçon. « Des individus qui prennent leur responsabilité et disent ce qu’ils ressentent vraiment représentent la seule issue… » écrivait Allen Ginsberg.
Autoportrait avec convictions,
19 octobre 1997
De temps en temps mon amour-propre
se coupe en se rasant,
de temps à autre mon cœur-aéroport
attend l’atterrissage du bonheur.
Moi aussi, je suis
en faveur de développement personnel,
mais sidéré
par son prix sur l’étiquette.
Je crois que :
Le téléphone et le moustique
appartiennent à la même famille.
L’art prête des jumelles
à la vérité.
La peur
peut faire un cadavre
de notre existence.
Cependant, mes convictions
sont des chapeaux
que la vie
fait parfois s’envoler
tandis que je subis
les fluctuations
de ma météo intérieure.
J’essaie d’écrire
sur notre condition
d’être humain,
mais ça ne rate jamais :
chaque fois
que j’en rencontre un,
il m’oblige
à déchirer
ma dernière copie.
Je ne dirais pas
que j’ai un appétit
insatiable de vie
car
j’ai souvent sommeil
l’après-midi,
mais
je reste
curieux.
En fait, je dirais
que la curiosité
est ma meilleure amie :
je ne saurais compter
le nombre de fois où
elle m’a fait
renoncer
au suicide.
Eh bien oui,
je pense souvent
à la mort.
Il me semble important
de réfléchir aux choses
si
populaires.
Mais
ce soir
je suis vivant,
j’essaie d’écrire,
j’essaie de convier la vérité
à danser avec moi
sur
quelques pages blanches.
In Le cœur à trois heures du matin, © Bruno Doucey, 2015, p.33-37
Né en 1954 à Melbourne, où il réside toujours, d’une famille d’immigrés allemands et polonais, il a exercé divers emplois avant d’ouvrir un magasin de disques. Grand voyageur, Peter Bakowski s’est rendu en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique et il a bénéficié de plusieurs résidences d’écriture à l’étranger. Publié dans de nombreuses revues, il est l’auteur de plusieurs recueils remarqués.
Ces voyages ont été une grande source d’inspiration. Peter Bakowski a écrit de nombreux textes se référant à des lieux du monde tels Paris, la Transylvanie, la Volga, l’Ouzbékistan ou Sarajevo. Qu’il trace le portrait d’autrui ou de lui-même, de Billie Holiday, de Diego Rivera, qu’il évoque un rêve, il est toujours en phase avec un réel dépassé.
L’écolier bègue
(école primaire de St Bede, 1960)
Pris
au lasso
par le regard du maître,
qui lui pose
la première question
de la leçon.
Chemise poignardée de sueur, chaussettes effondrées,
planté entre deux rangées,
il garde les yeux fixés
sur le pupitre, son radeau.
Il ne sait
que faire de ses mains,
ne sait
que faire de ses frissons.
Essayant d répondre,
il se heurte
aux épines
de chaque syllabe,
à la prison
de sa bouche.
Les autres élèves
regardent par la fenêtre,
scrutent les cartes et l’encre sur leurs doigts.
Ils évitent le garçon
paralysé dans cette énigme,
le garçon qui chute
du cheval
de la langue.
Idem, p.77
Bruno Doucey écrit dans sa présentation : « Le poète qui paraît avoir convié Jacques Prévert, Allen Ginsberg et Jack Kerouac à sa table de travail, nous invite à faire un pas de côté pour voir le monde autrement. » Par sa météo personnelle, Peter Bakowski transmute la réalité et nous invite à un voyage de grande ampleur aux confins de paysages humains qui ne font qu’un avec son univers intérieur.
Météo intérieure
Parfois tes pensées peuvent te faire pleurer,
parfois tes pleurs peuvent te faire penser.
Idem, p.117
Internet
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Site des éditions Bruno Doucey
-
Wikipédia (en anglais)
Contribution de PPierre Kobel
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