Le photographe Bernard Plossu aime l’Italie. « Kazantzakis disait dans La lettre au Greco : “ L’Italie a pris possession de mon âme, mon âme a pris possession de l’Italie ” : je me sens pareil ! C’est comme ça, je m’y sens bien… » dit-il. Il en aime la culture et, entre autres les poètes dont Pavese que nous mettons aujourd’hui en regard d’une de ses photos.
Ces dures collines qui ont façonné mon corps
et qui ébranlent en lui autant de souvenirs,
m’ont fait entrevoir le prodige de cette femme
qui ne sait que je la vis sans réussir à la comprendre.
Un soir, je l’ai rencontrée : tache plus claire
sous les étoiles incertaines, dans la brume d’été.
Le parfum des collines flottait tout autour
plus profond que l’ombre et soudain une voix résonna
qu’on eût dit surgie de ces collines, voix plus nette
et plus âpre à la fois, une voix de saisons oubliées.
Quelquefois je la vois, elle vit devant mes yeux,
définie, immuable, tel un souvenir.
Jamais je n’ai pu la saisir : sa réalité
chaque fois m’échappe et m’emporte au loin.
Je ne sais si elle est belle. Elle est jeune entre les femmes :
lorsque je pense à elle, un lointain souvenir
d’une enfance vécue parmi ces collines, me surprend
tellement elle est jeune. Elle ressemble au matin. Ses yeux me suggèrent
tous les ciels lointains de ces matins anciens.
Et son regard enferme un tenace dessein : la plus nette lumière
que sur ces collines l’aube ait jamais connue.
Je l’ai créée du fond de toutes les choses
qui me sont le plus chères sans réussir à la comprendre.
In Travailler fatigue, © Poésie/Gallimard, p.51
Internet
- Pavese sur Wikipédia
-
Bernard Plossu sur Esprits nomades
-
L'Italie de Bernard Plossu sur le site de la MEP
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires