Hier s’est ouvert le 33e Marché de la Poésie, place Saint-Sulpice à Paris, dans le silence assourdissant des médias. Inutile de reprendre ici la litanie des plaintes et des reproches qu’on pourrait leur adresser. À quoi sert la culture ? À quoi sert la poésie ? Sans doute est-il plus profitable de s’en tenir au petit jeu complice et sempiternel entre gent journalistique et politique qui n’ont que faire d’une parole qui ne pourrait que les conduire à aller au-delà d’eux-mêmes.
Mah Chong-gi
À quoi sert un poète ?
Je voudrais devenir poète.
Mais à quoi sert un poète ?
En Éthiopie, en Somalie
en Centrafrique
des milliers d’enfants, tout le temps affamés
la peau toute rêche et décharnés
meurent tous les jours, réduits à l’état de déchets.
Au Cambodge, au Vietnam
ces enfants qui jouent aujourd’hui en roulant des crânes
meurent le lendemain dans le bourbier de la jungle.
À l’âge de dix ans, ils apprennent à tuer
à l’âge de douze ans, ils tirent à la mitrailleuse.
Au Salvador, au Nicaragua
en Amérique Centrale et en Amérique du Sud
du lever au coucher du soleil
côté droit mâche côté gauche
côté gauche frappe côté droit
tête avale queue
queue meurt tout en matraquant tête.
Bruits des armes sans un jour de trêve
meurtres sans un jour de répit.
Dieu, à quoi sert un poète ?
En Iran, en Irak, en Israël
au Liban, dans les plaines de Sibérie
dans tous les coins du monde
Dieu, quelle est l’utilité d’un poète ?
Quand j’apprends les tristes nouvelles des gens
les larmes me viennent, cela me serre le cœur.
Quand les gens se relèvent de leurs peines
tout ému, je trépigne de joie en cachette.
Même si le chant de lutte d’un poète est courageux
même si le chant de réconfort d’un poète est émouvant
Dieu, toi qui me disais de ne pas céder à cette tentation
avant que ces douleurs ne surviennent pour moi,
en tout cas, dis-le-moi, à quoi sert un poète ?
In Celui qui garde ses rêves, © Bruno Doucey, 2014
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Contribution de PPierre Kobel
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