« C'est mon pays de marées. Avec ses vagues au bord de l'hystérie, cette petite plage me fait dans le cœur un tatouage d'écume. Un pays sous la peau. Quelque part dans un finistère sans majuscule, rebelle au découpage en départements.
[…]
J'écris l'histoire de la petite plage de sable blanc. Une histoire qui dure. Une histoire d'enfance, mais qui se prolonge, comme l'écume ne cesse de sourdre de la mer. Une plage où j'ai couru dans les vagues, joué sur le sable, ramassé des coquillages. Pareille au verger, au coin de rivière, au jardin public qui, pour d'autres, est le paysage premier. »
Extraits p.9 & 10
Nous sommes nombreux à avoir dans le cœur, dans l'esprit un paysage premier. Ce peut être un jardin, un chemin, une colline, un cours d'eau. Marie-Hélène se ressource à cette petite plage qui est le fil conducteur de ces 26 textes d'une prose gorgée de poésie.
Des textes qui composent en eux-mêmes un paysage. Part de l'enfance évidente, références à des artistes et des œuvres, souvenirs personnels et familiaux chargés d'affect, relation aux sensations physiques, évocation du corps, de ses maux, de son vieillissement, de son histoire, ici les mains de sa grand-mère :
« Ses mains à elle qui, le soir à la lampe, ont écrit des lettres, en tremblant. À l'époux mobilisé en août 14 et parti pour la terrible « Bataille des frontières ». En tremblant, elles ont ouvert ses lettres. Parla-t-il de la plaine des Ardennes belges creusée de labours géants où se levaient de si noires récoltes ? Sang et chair dans ces fosses communes qui ne disaient pas leur nom. La main qui avait signé la déclaration de guerre n'avait pas tremblé, elle.
Ses mains qui ont versé dans la cruche le lait des vaches, encore chaud de la traite, où demeurent, secrets dépôts, la pluie reçue du ciel et la lente rumination du troupeau. Ou qui se sont abîmées dans le halo bleuté des lessives. Et dans ses mains, la lenteur d'un geste oublié, repriser, ravauder ces choses qu'on prenait soin de ne pas jeter. Un point à l'envers et un point à l'endroit, tant de chaleur dans les maisons de ferme. Ces mains expertes, rires ou chagrins, au chevet des jours. Trois de ses fils morts avant elle. »
Extraits p.104 & 105
Ce livre est une promenade ainsi qu'il est écrit en quatrième de couverture, mais plus encore un ancrage à l'existence, le moyen de lui donner un sens :
« Depuis la première adolescence quand la maison du bord de mer a été vendue, je suis sans résidence ici. Mais pas sans demeure. En ce lieu, j'existe. Je ne fais qu'un avec lui. »
Extraits p.118
Les éditions de La Part Commune poursuivent avec ce livre le travail de qualité entrepris dès 1998 par Yves Landrein et ce jusqu'à son décès en 2012. Des textes utiles d'avant et d'aujourd'hui, des textes à vivre.
Bibliographie partielle
-
Marie-Hélène Prouteau, La Petite Plage, © La Part Commune, 2015
Internet
-
Éditions La Part Commune
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires