Ne céder sur rien. Mettre de l’huile sur le feu.
F.A.
Françoise Ascal poursuit chez le même éditeur, Apogée, la publication de son « atelier intérieur », le carnet des saisons et des années.
« Bleu d’octobre : mon modèle. Voudrais écrire en atteignant cette transparence. […] La simplicité d’une écriture ne va pas de soi. Elle est le fruit d’une approche patiente. Une ascèse presque. »
Bouquet, c’est un bouquet de visages, recueil de traces croisées comme si la jonction des pages les gardait aux quatre vents, perceptibles encore, toujours. Une impression les unit : ils sont le cœur vivant du livre et l’on se trouble à l’idée de ce que tente Françoise Ascal en ces pages qui restituent plus de dix ans (de 2001 à 2012). Contre l’oubli, lutter avec les mots du jour – à chacun sa peine ne suffit pas : vivre la surmonte et chaque jour l’accroît. Ne pas augmenter, écrire les détails signifiants : un courrier reçu, « fraternel », celui de Pierre Dhainaut, alors que, malade, Françoise Ascal reçoit les résultats, mauvais, de ses examens médicaux ; visite à Roger Munier âgé de quatre-vingt-huit ans qui montre ses 1750 pages de carnets ; départ à la retraite d’un côté, pleine vie d’écrivain de l’autre ; résidence d’écriture à Aniane…
Impression farouche, que l’on ressent aussi en la rencontrant, que Françoise Ascal capte la lumière qu’elle cherche constamment : c’est dans ses yeux, lorsqu’elle nous parle bienveillante, en nous regardant toujours. Lumière émane, comme celle des poèmes de Thierry Metz qu’elle cite à deux reprises.
L’écrivain se montre à l’œuvre, explore ses projets, de l’écriture à l’édition. Elle ne veut pas « innover », « mais approfondir la langue qui [l]’a façonnée, celle qui [la] tient debout ». Tenir, rester vivante, regarder, vieillir pour « faire tomber plâtre et stuc pour parvenir au noyau dur ». La place accordée à la phrase nominale, lancée sur la feuille, augure : parfois non développée, elle est reflet du jour.
Les impressions, les événements juxtaposés lui donnent sa teneur, comme cette rechute de la maladie après un « contrôle de routine », « après trente ans de rémission ». Et, en même temps, la règle des saisons, la loi des floraisons et fiat lux :
« Hier déjà, la lumière était revenue. De si loin. »
Ce qui frappe : l’aptitude à vivre ici/maintenant ce qui traverse ― la vie (iris, glycine et son parfum, fuchsia, B. au jardin…). Le bleu d’octobre s’est-il altéré ? La confidence chuchotée glisse vers nous comme un sanglot sourd tandis que le regard clair et son acuité nous percent. Après deux livres où la voix intérieure occupée de celles des aïeux remonte de terre2, nous entendons un chant immédiat, quotidien relu – Françoise Ascal explique qu’elle fait le tri, ensuite, pour constituer le livre. Chant bleu, espérance sans foi nourrie des nuances de fleurs du jardin et de la voix des proches, vivants et serrés, nourrie aussi des lectures nombreuses et profondes dont l’écho se retrouve dans ces pages. Livre de questions, le plus souvent sans réponses :
« Suis-je condamnée, ma vie durant, à redire le creux, le trou, l’absence, alors même que le pain cuit dans la cuisine proche, que le linge sèche dans la prairie ? »
Les mots denses d’octobre sont ceux que l’on garde contre soi pour l’hiver.
« Vivre dans " l’invérité " – comme dans l’invérifiable serait progrès.
Pas de vérité en forme de roc, pas de terre ferme. Chercher du côté du souffle et de l’eau vive. »
- Cendres vives (1980-1988) © Apogée
- Carré du ciel (1988-1996) © Apogée
- La table de veille (1996-2011) © Apogée
- Un bleu d’octobre, © Apogée, 2016
- Des voix dans l’obscur © Æncrages & Co, 2015
- Noir-Racine précédé de Le fil de l’oubli, monotypes de Marie Alloy – © Al Manar, 2015
- CD Françoise Ascal | L'Arpentée, © epm | poésie, 2016
Internet
- La note de lecture d'Antoine Emaz dans Poezibao
- La note de lecture d'Alain Roussel dans Passager clandestin de la pensée
-
Deux notes de lecture d'Isabelle Lévesque :
-
Poezibao : Des voix dans l'obscur
-
Terres de femmes : Noir-racine
Contribution d'Isabelle Lévesque
Commentaires