Un beau matin partir
loin de la ville volubilis
juste avant l’avarie finale
dingue ans doute mais ponctuel
battling de vialatte dans la main
l’ouïe tronquée par le chivas
le toucher tétanisé par les gamines
peau de loir cicatrice à la tempe
vestige d’une vieille guérilla enfouie
ne plus mentir même à vie basse
aller vers le bleu plus bleu
ployé sous l’à-quoi-bon
là-bas où les ombres fixent les nombres
où les visages se confondent avec les pantographes
quand la rue n’a pas le nu facile
bref instant de carton-pâte
tout un monde sur pied nickelé
In Absence de pedigree - © éditions Bibliothèque de poésie de France Loisirs, Poésie contemporaine de langue française, 1992, page 135
Ce poète, volontiers désabusé, l’âme meurtrie en bandoulière, est né à Paris le 7 octobre 1949. Membre de l’Académie Alphonse Allais, grand prix de l’Humour noir, lauréat des prix Max Jacob et Guillaume Apollinaire, Patrice Delbourg, journaliste et critique littéraire est l’auteur d’œuvres à l’inspiration diversifiée, ouvrages en prose ou recueil de poésie. Son nom est aussi attaché à l’émission de France-Culture, Des papous dans la tête.
Attendre toute la nuit le bruit d’une clef dans la serrure
avec ce masque sans regard qui roule à sa rencontre
sur le crassier livide des pierres à singes
fatigue obscène nécessaire en sangles douces
passes délicates dans un calendrier perpétuel pupilles
fleurs en chocolatine au royaume des taupes
se tient coi tapi dans son ère d’amiante
face à la page seize
– petit coup froid sur les valeurs pétrolières
l’aquitaine s’incline machine bull persiste
hausse appréciable des grands magasins
la barre gagne trois
bonne orientation du lingot
perrier source reste ferme
les valeurs indexées sont de la fête
l’air liquide s’avère stable
tenue médiocre des allemandes michelin plus sept
dividendes loréal en hausse obligations convertibles gardent
le sourire
le napoléon s’écrase de neuf-cinquante à cause
de l’aggravation des tensions au moyen-orient —
pas à pas le jour creuse l’écluse séparation de biens
oubli du numéro d’ordre
dans cette ville naine qui s’évanouit dans
le sanglot miel d’un orgue de barbarie
il frissonne à l’idée d’avoir tout à recommencer
ne vous remettez pas la rate au court-bouillon
les mots sont arrangeants
ils vous laisseront le négatif
c’est à qui de donner le tapis brûle
In Génériques - © éditions Bibliothèque de poésie de France loisirs – La poésie contemporaine de langue française, 1992 p.134
Dans ses différents entretiens diffusés sur YouTube, on découvre un poète à l’humour détaché mais toujours voilé d’une certaine tendresse. Cependant, dans son dernier roman évoqué dans un de ses entretiens, Les chagrins de l’Arsenal, Patrice Delbourg brosse le portrait d’un conservateur de la bibliothèque du même nom, « libricide », destructeur des ouvrages de grands auteurs classiques de notre littérature, alors que poètes et humoristes échappent à cet holocauste. Patrice Delbourg y pourfend, là, avec une certaine cruauté, ceux qu’ils qualifient des « Lagarde et Michard ».
Patrice Delbourg est également amoureux de la chanson française dite « à texte » Les funambules de la ritournelle publiés en 2013, mettent à l’honneur les chanteurs tels que Brel, Tachan, Ferré, Brassens, Laforgue, Juliette…, mais aussi Aznavour, Barbara, Bobby Lapointe, Ferrat, Sheller, Gotainer, Vassiliu, Dominique A. etc… Le poète attaquait jadis dans ses critiques musicales parues dans les Nouvelles littéraires et l’Évènement du Jeudi sous le titre « Mélodies chroniques, les chansons jugées médiocres, avec humour et férocité.
Patrice Delbourg confesse son admiration pour Flaubert, et en particulier pour le roman Bouvard et Pécuchet, devenu son livre de chevet. Il rend également hommage à Blaise Cendrars dans un ouvrage L’Odyssée Cendrars.
Le poème suivant dégage une mélancolie tendre et mystérieuse :
Devant les carpes de la fontaine
sa bouche enfouie jusqu’au sel
change la place de l’été
matin successeur du matin
indifférent à la fleur salariée
l’œil arrange un mariage en blanc
immobile dans l’ombre brève de la cour
sous le calme capital d’une caracole étoilée
le piano renonce au noir
la place des oiseaux n’est pas au ciel
In Absence de pedigree - © éditions La Bibliothèque de poésie de France loisirs – La poésie contemporaine de langue française, 1992, page136.
Patrice Delbourg a également été cofondateur de la revue Exit (1973-1976). Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, prose et poésies, et de quelques ouvrages collectifs, dont les Années poétiques chez Seghers de 2005 à 2009.
Internet
- Fiche Wikipedia
- Site personnel
- Patrice Delbourg sur Youtube
- Une lecture de Françoise Siri sur Texture
Contribution de Hélène Millien
Commentaires