« Monsieur comment vous savez si une poésie est bonne ? » Voilà le genre de question qui est posée de façon récurrente lorsque nous intervenons auprès des jeunes dans des établissements scolaires. Inutile de se défiler, ils veulent une réponse, un avis pertinent. Mais que dire ? Comment expliquer nos choix ?
C’est là que j’utilise la comparaison avec la gastronomie. Se nourrir est indispensable comme la poésie nous est indispensable. Il y a en matière de cuisine une variété infinie de plats, de traditions, d’ingrédients, il y a la cuisine du quotidien et celle des grands jours, la cuisine pour deux et celle des réceptions nombreuses. Il en est de même avec la poésie. Aujourd’hui, alors que les querelles de chapelles qui l’ont minée autrefois, se sont grandement éteintes, elle s’exprime par des voies multiples, des plus classiques aux plus novatrices, en lien avec d’autres arts, entre formalisme et lyrisme, engagement, spiritualité, humour et fantastique, etc.
Mais pour répondre à la question initiale de cette tribune, je me référerai à cette phrase de je ne sais plus qui, disant : « le génie, c’est un pour cent de lueur, quatre-vingt-dix-neuf pour cent de sueur. » L’inspiration subite et nocturne est un leurre. Surtout quand on a tout oublié le matin ! L’écriture poétique ne peut être que le fruit d’un long travail obstiné, d’essais, de ratures. Et de la lecture des autres, une donnée indispensable à l’enrichissement de la culture personnelle et à une mise à distance critique de son propre travail.
Toute écriture, toute création a sa légitimité. Le jugement du poète, du revuiste, de l'éditeur, du blogueur ou du professeur n’a aucune valeur d’absolu. Il n’a que celles de son expérience de lecteur et de son honnête subjectivité. C’est la pratique assidue des livres de poésie qui élargit la palette des curiosités et des choix. C’est la même pratique qui permet le tri entre le bon grain et l’ivraie, car cela existe, rien ne sert de faire semblant.
Pour chacun la bonne poésie, c’est celle que l’on aime. Pour tous, c’est celle qui conduit l’homme au meilleur de lui-même.
Contribution de PPierre Kobel
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