Le film Visages Villages d’Agnès Varda et du photographe JR est un portrait sensible des gens et des pays de France. Par les images qu’ils en proposent, ils redonnent à notre société une raison de s’arrêter à autrui, de retrouver l’empathie nécessaire à nos paysages et à la vie qui s’y déroule loin de nos tumultes et de la vitesse destructrice.
En regard de ce film, voici d’abord le poème que Michel Baglin dédia à Jean Dieuzaide en exergue de leur bel album Les chants du regard. Il sera suivi d’un poème de Charles Ferdinand Ramuz, poète citadin qui sut chanter la vie rurale et montagnarde de sa Suisse natale.
Lumières sensibles
Images sans ailleurs :
du plus loin qu’elles nous viennent,
c’est le trop-plein du jour
qu’elles encrent sous nos yeux.
Du réel forçant le silence.
Avec de l’épaisseur dans les ombres.
Du vertige dans les évidences.
Du respect pour les clartés
que les êtres et les objets cisèlent.
Instants d’amitié, de compassion,
d’intelligence avec le monde comme il s’offre,
elles cadrent l’émotion juste,
celle qui réveille
les métaphores sommeillant sous la peau.
Lumière sensible : gorgée de mots.
In Les chants du regard, © Privat, 2006
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Le pays
C’est un petit pays qui se cache parmi
ses bois et ses collines ;
il est paisible, il va sa vie
sans se presser sous ses noyers ;
il a de beaux vergers et de beaux champs de blé,
des champs de trèfle et de luzerne,
roses et jaunes dans les prés,
par grands carrés mal arrangés ;
il monte vers les bois, il s’abandonne aux pentes
vers les vallons étroits où coulent des ruisseaux
et, la nuit, leurs musiques d’eau
semblent agrandir encore le silence.
Son ciel est dans les yeux de ses femmes,
la voix des fontaines dans leur voix ;
on garde de sa terre aux gros souliers qu’on a
pour s’en aller dans la campagne ;
on s’égare aux sentiers qui ne vont nulle part
et d’où le lac paraît, la montagne, les neiges
et le miroitement des vagues ;
et, quand on s’en revient, le village est blotti
autour de son église,
parmi l’espace d’ombre où hésite et retombe
la cloche inquiète du couvre-feu.
In Le petit village, 1903
Internet
- La page Wikipédia d’Agnès Varda
- Le site de JR
Contribution de PPierre Kobel
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