Si la poésie est un microcosme, elle n’en a pas moins que d’autres ses figures suffisantes et vaniteuses. On voudrait là que chacun soit à la hauteur de son écriture, que les ego s’effacent devant les mots, que les titres, les prix, la carrière n’embarrassent pas la parole et l’humanité du poète.
Poète, dites-vous ? L’est-il encore celui qui construit son œuvre au prix de serviles admirations, impose ses rituels et sa représentation, masque d’un humour matois sa misogynie profonde, d’un sommeil factice son mépris d’autrui et se hausse sans attendre aux côtés de ses pairs reconnus avec l’argument d’une amitié dont on soupçonne la fausseté et des récits d’émotion dont son regard dit l’hypocrisie.
Des noms ! Des noms ! Et quoi encore ? Ce portrait à charge ne relève pas d’un procès personnel. S’il se réfère à des personnes réelles, ce n’est pas pour les dénoncer, leur outrance n’en mérite pas tant. Bal des vanités dans les allées des marchés et des festivals de poésie, bal des vanités dans les attributions de prix et de responsabilités éditoriales, bal des vanités qui ramène la poésie à une humanité médiocre et une bassesse intellectuelle quand elle est si nécessaire à une meilleure marche du monde.
Il n’est pas question ici de nier la fierté que l’on éprouve à être reconnu, à se savoir lu. Il s’agit juste de ne pas aller jusqu’à la corruption de la poésie par une ostentation outrecuidante. Les cathédrales, les châteaux et palais qui veillent sur nos villes restent pour beaucoup des merveilles de construction sans que nous sachions quels architectes, maîtres d’œuvre et ouvriers les ont bâtis. De même ce qui importe au fil du temps et pour l’avenir, ce sont les textes qui ouvrent à l’espoir et non pas le nom de quelques princes frelatés du bal des vanités.
Complainte mortuaire à deux voix
– L’animal court, il passe, il meurt. Et c’est le grand froid.
– C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
– L’oiseau vole, il passe, il meurt. Et c’est le grand froid.
– C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
– Le poisson fuit, il passe, il meurt. Et c’est le grand froid.
– C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
– L’homme mange et dort. Il meurt. Et c’est le grand froid.
– C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
– Et le ciel s’est éclairé, les yeux se sont éteints, l’étoile resplendit.
– Le froid est en bas, la lumière en haut.
– L’homme a passé, l’ombre a disparu, le prisonnier est libre.
Khvum ! Vers toi notre appel !
Afrique équatoriale, poème pygmée. Traduction Trilles
In Georges Jean, Le livre d’or des poètes, vol.3
Contribution de PPierre Kobel
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