Nous l’avions rencontrée le 25 juillet dernier à Sète durant le festival Voix Vives. Dans un entretien avec le journaliste Gérard Meudal, elle avait répondu à ses questions avec toute la vitalité et l’engagement qui étaient les siens. Elle est morte le 17 août à l’âge de 47 ans des suites d’un cancer. Elle sera restée active jusqu’au bout. Elle se disait « Syrienne de confession pacifiste » et a pris dès le début des manifestations contre le régime d’Assad des positions fermes en faveur de la liberté de parole.
Cette liberté de parole, elle se retrouve dans le recueil que viennent de publier Alain Gorius et Al Manar, Dans l’obscurité éblouissante. Une poésie, certes éloignée du formalisme intellectuel, mais qui veut dire la réalité de la violence et dénoncer l’oppression. Un art nécessaire de la parole au service du courage.
Dans l’obscurité éblouissante
mon visage est un charbon en fleurs
dans la blessure de la mémoire
et ma mémoire
est faite des villes qui meurent
effacées
par le déversement du temps dans un autre temps
In Dans l’obscurité éblouissante, © Al Manar, 2017, p.9
Traduit par Sali El Jam
*****
Soleil
Dans l’obscurité éblouissante
une voile ondule dans la nuit de l’Adour
l’étoile du matin sur les cheveux de Dax
La dernière goutte de vin
sur les lèvres de la carafe
qui dort dans les bras du jardin du Petit Escalère
une goutte de rosée sur la joue de Venus
empêche Rodin de dormir dans sa statue
les bijoux de l’Inde et de Saint-Germain
le tournesol de Van Gogh
l’encens du Tibet
les pierres du temple d’Apollon et de la mosquée des
Omeyyades
les cris du rameau du palmier mâle en fleurs contre Ophélie
Ibid., p.17
*****
La mère noyée au fond d’une noix de coco
sème des graines antiques
dans des fossiles de coquillages mythiques
qu’elle fait tourner autour d’un feu africain
elle écrit dans des dialectes délaissés
qu’elle voue à un dieu disparu depuis mille et un ans
et elle tresse son cordon ombilical avec ceux qui se sont noyés
dans la braise
pour en extraire la flamme donnée aux maîtres de l’or
c’est alors qu’ils ont extrait la vérité
des crânes des Indiens rouges et de la pourpre des Phéniciens
du sel des deux Amériques
et du tombeau des Mayas et des Aztèques
et de tous ceux qui sont morts à Guernica
et ressuscités avec Picasso et Eluard
et ont été immortalisés dans les élégies de Goya
et dans les chants récités de Nietzsche
et dans les larmes bleues de Rilke
Ibid, p.23
*****
La fille s’enfuit
de la fenêtre donnant sur un nuage bleu
comme les rêves d’un enfant qui dort au sein de Dax
Damas
attend le retour de la fille dans la vieille maison
une paume comme le secret du jardin du Petit Escalère
un visage comme une paume de la maîtresse de la mort
La fille viendra avec ses cheveux de nuit
ô nuit longue ô fille
la fille viendra avec sa blessure qui enfantera
ô enfant malheureux ma fille
à la vieille maison la fille viendra
sa fenêtre donne sur des nuages semblables au rêve d’un
enfant à naître
qui est encore caché au sein de Dax
Ibid., p.73
Internet
- Page Wikipédia
- Un article de France 24
- Un article de Courrier international
- Les maux de Fadwa, poétesse révoltée, un article récent de Jean-Marie Dinh
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires