« Hormis l’amitié et l’amour, la poésie est le plus court chemin d’un homme vers un autre. » écrivait Claude Roy. C’est la poésie qui m’a fait croiser la route de Jean-Marie Berthier. D’abord celle de ses livres puis celle de l’homme qui était chaleureux et bienveillant. Bruno Doucey vient de m’apprendre sa mort hier dans un accident de la route, alors qu’il se réjouissait de la parution de son prochain livre Ne te retourne plus chez Bruno au début de septembre.
Né en 1940 Jean-Marie Berthier fut enseignant de français et de psychopédagogie. Il a longtemps exercé son métier de passeur aux quatre coins du monde, de l’Asie à l’Amérique latine en passant par l’Afrique et l’Océanie. Il vécut ensuite dans les Alpes en Haute Tarentaise. Jean-Marie Berthier était un humaniste qui savait dire aussi que le monde n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être. « La vie, l’amour et la mort ne font qu’un dans la main de l’univers et il m’a toujours été impossible de les dissocier. » écrivait-il et ailleurs se référant à Camus : « Les raisons d’être de l’homme, son honneur peut-être, c’est la force et la profondeur des questions qu’il pose au monde et sa grandeur, s’il y a grandeur, elle est dans son courage à poursuivre cette quête sans jamais renoncer. ». Avec lui disparaît un poète trop méconnu dont l’écriture traduit la nécessité de la poésie pour tenter de sauver le monde au-delà de toute illusion. C’est ainsi qu’il n’a jamais désespéré malgré des deuils personnels irrémédiables parce qu’il savait que nous avons
Si peu de temps
pour entrer encore une fois
dans le vertige des océans
fécondant le corail
à l’amoncellement
des algues vives
et des siècles silencieux
Sa famille et ses amis le pleurent, désemparés. Sa poésie lui survit et il survivra par sa poésie. Parce que comme l’écrit la poète grecque Katerina Anghelàki-Rooke :
Les poèmes échouent
Quand les amours échouent.
N’écoutez pas ce qu’on vous dit ;
Le poème a besoin de chaleur
Et de l’amour
Pour qu’il puisse endurer
Le temps qui passe
****
Cela
Si cela tenait dans les poignets d’aube
et courait sur le temps du matin
si cela mourait comme un dieu de braise
porté par les pluies et les yeux des femmes
dirais-tu encore
regardant par-dessus mon épaule
que toute la mort du monde et du soir
tient dans l’aile coupée d’une hirondelle ?
Et si cela prenait un jour la place
de tes yeux
de tes mains
si cela paraît alors ta gorge
d’une lointaine histoire d’ambre
à ne plus voir ta gorge
qu’à travers l’ambre des mers de vieillesse
achevant aux dernières courbes du soir
la volte-face du soleil
dirais-tu encore mon nom
à l’oreille du coquillage ?
In Les arbres de passage et autres poèmes, © Fanlac, 2007, p.68
Internet
- Une fiche de la Poéthèque du Printemps des poètes
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires