Dans la préface à ce recueil Emmanuel Merle écrit : « Ghyslaine Leloup rassemble les fils épars des souvenirs et des choses du monde naturel, deux espaces auxquels nous appartenons tous, elle fait entendre leurs voix, les assemble en un chœur : une lumière parfois si vive qu’elle ouvre les paupières de la nuit. » La présence de la nuit est récurrente dans l’œuvre de Ghyslaine Leloup déjà auteur de plusieurs recueils avant celui-là. Nuit des questions et de l’inquiétude. À cela l’écriture de Ghyslaine tente des réponses par l’approche et le compagnonnage de l’art qui ouvrent parfois à la lumière. Quand elle ne se place pas directement en regard d’une iconographie comme elle le fait avec les peintures de Noël Roch, elle ne cesse de convoquer la mémoire des écrivains, des peintres, des musiciens. C’est ainsi qu’elle trouve « une tonalité opposée de teinte et d’espace, une incessante confrontation d’infini et d’intime, de noir et d’éclat. » ainsi que l’écrit Chantal Danjou en postface.
Ici, dans l’instant de la nuit
Se soumettre aux mots
Se laisser embarquer
Au-delà des cols et des mers
Loin de Tonio Kröger et sa roulotte verte
Au-delà des volcans et des îles d’or
Loin de la paix d’un canal flamand
Toujours plus proche de ce qui nous consumera ?
Dire la menace aux aguets
La terre sous les ongles après la lumière ?
La soif des roses suffit à la certitude de l’ombre
L’or coule parfois dans les chants parallèles
Il y a les chevaux bleus gardiens des rêves
Et ceux qui galopent dans ma mémoire
Blancs à jamais sur une plage enneigée
Nuit chorale
Son soleil sous les paupières
Là où je suis
Là où je vous attends
Là où je cherche des mots contrepoison
Pour que le chagrin consente un passage à la joie
p.9
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Paysages d’enfance mêlés
à la rose de Desnos
Et la plage se fait et se défait
Coquilles, étoiles, varechs
Écriture et réécriture illimitée
De la matrice du monde
Et un autre paysage affleure
Boues, ferraille, béton
Débris gris brun rouille
De l’histoire des hommes
Temps fixe lumière globale
Et ce silence que la marée ponctue
Et ce ciel que tracent les oiseaux
Ta verticale contrant le vent
L’écran de tes pensées
Tu es aveugle quand tout se révèle sur le sable
Ne pas poser de questions
Pour ne plus attendre de réponses
Que le simple advienne enfin
L’être de peu qu’un moineau rassérène
Un buisson d’églantines s’obstine dans une crevasse
Tu t’irrigues à la rose originelle
Sa nacre humide pour tout message
p.27
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En marchant (4)
Le mensonge a soudain flamboyé dans un vitrail
Trop d’oiseaux
Trop d’or et d’azur
Trop d’étoiles
Absence des anges dans leur gloire même
Un vertige qui t’incline devant la brume à venir
Prends l’or dans ton regard
Et les étoiles dans ta nuit
Mais dès la clarté
Écoute les grandes ailes migratoires
Leur chant d’allégeance au vent nomade
Et toi sans route déterminée
Plus pauvre qu’oiseaux
Marche sous ce ciel sans message
Ta fleur bleue à la bouche
Parallèle au fleuve
L’automne fait sa cour à l’été
Vois cet arbre rond comme un soleil feuillu
p.78
Internet
- Éditions Unicité
- Le Capital des mots
- Babelio
Contribution de PPierre Kobel
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